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Rimbaud passion
15 janvier 2018

Paul au pays de Rimbaud et Juliette (dernière version - Chapitre 21)

 XXI

 

OÙ PAUL DÉCROCHE UN RENDEZ-VOUS EXCEPTIONNEL AVEC PIERRE-CHARLES

 

 

Jeudi.

Un rêve avait encore visité Paul et l'avait rendu perplexe, mais le matin était beau et chargé en projets. D'abord, téléphoner à Pierre-Charles. Ensuite, poursuivre sa visite du Musée de l'Ardenne et prendre en photo, au moins la reproduction à défaut de l'original, de Vénus anadyomène à l'entrée. Et s'il avait encore le temps, visiter le Centre International de la Marionnette.

A 10 h Paul composa dans une cabine le numéro inscrit sur la carte de visite de l'éditeur érudit.

  • Allô?

  • Allô...

  • Bonjour. C'est Paul Delaroche. Je vous ai rencontré hier à la médiathèque.

  • Ah, bonjour, c'est vous! Venez à 12h30 si c'est possible à la Maison des Ailleurs, au numéro 7, là où a vécu Rimbaud durant quatre ans. Je vous invite à déjeuner. Soyez à l'heure pile. Je vous ouvrirai.

  • C'est d'accord. J'y serai. Merci.

  • À tout à l'heure.

  • À tout à l'heure.

Paul raccrocha. Il décrochait le gros lot! La surprise était de taille. Il était aux anges. Plein de fierté.

Décidément, son âmie Éléonore ne l'avait pas trompée: «C'est un voyage très important pour toi, tu vas faire des rencontres importantes.»

Savait-elle tout ce qu'il allait vivre de dingue? Déjà, il y avait eu Juliette qu'il attendait de revoir « avec gourmandise », et maintenant c'était la perspective d'un déjeuner avec un éditeur spécialiste de Rimbaud, dans la maison même où notre poète avait vécu de 1870 à 1874, soit pendant toute sa période littéraire pour ainsi dire!

Royal! Paul était passé de la place Ducale à la place Royale!

WOUH-OUH!

Il ne se sentait plus. Il décrocha...

Ce nouveau signe lui redonna quelque confiance pour le rendez-vous avec Juliette, – Mardi, 19 h, place Duc...

...Du calme!

 

Allez, une Arduinna pour fêter ça?

Retour au camping. Tom servit à Paul une bière de Diane des Ardennes. Toujours le tee-shirt trempé de sueur. Le bedon, la moue, le grand bleu amorphe de ses yeux piqués de frites.

Tom parla sur la terrasse au soleil de sa vie sentimentale assez alambiquée. Cette ouverture du cœur toucha Paul. Tom lui dit que ce n'était rien à côté d'autres (cela sans doute pour relativiser sa situation). Il avait connu un homme qui avait collectionné sept femmes, sept d'un coup. «Comme le vaillant petit tailleur», se dit Paul. Cet homme, lui apprit Tom, tombait facilement amoureux; mais ces multiples relations étaient source de stress pour lui. Gérer tous ses rendez-vous sans être pris "en faute", c'était un vrai challenge. Sa nature était telle. Il l'assumait.

C'est ce qu'il avait dit à Tom: «J'assume».

  • C'est bien, il ne culpabilisait pas, dit Paul.

  • Oh non. Surtout pô.

Sur les sept femmes, avait précisé Tom, cet homme n'en aimait qu'une seule, mais elle était mariée. Il avait beaucoup d'affection pour les autres, même de la tendresse, mais il ne ressentait rien avec elles. Ce n'était que pour la baise.

«Bizarre, il tombait facilement amoureux, mais n'en aimait qu'une», releva Paul.

  • Il ne pouvait pas, ou ne savait pas résister aux femmes qui lui plaisaient. J'aime baiser, me disait-il. C'est comme ço.

Paul était impressionné par cette histoire abracadabrante. Il avait du mal à s'imaginer avec sept d'un coup. Il se posa aussi la question si ce que Tom lui racontait sur cette personne n'était pas pour le mettre en garde, lui, Paul, contre une même tendance qu'il aurait à collectionner. Dans les sept jours le séparant de Juliette, il aurait pu rencontrer six femmes – une par jour –, Juliette étant la septième, – attendant de coucher avec elle comme avec les six précédentes. Déjà, la veille, il avait bien failli tomber dans le piège.

 

Et lui alors, Tom, c'était quoi son histoire alambiquée? Paul se retint de lui poser la question, respectant sa pudeur. Mais si un jour il voulait s'ouvrir à lui, Paul l'écouterait sans jugement. C'était vraiment un ours au cœur tendre. Paul découvrit avec surprise qu'il avait aussi une âme artistique. Tom lui apprit qu'il faisait de la peinture sur ordinateur et qu'il aimerait ne faire que ça. Son thème préféré? Les paysages. Lorsque Paul lui déclara qu'il peignait aussi, Tom l'avait regardé un peu étonné. Ce n'était pas le genre à regarder trop son interlocuteur et là, Paul attirait son attention. Quelque chose les réunissait. Un bout d'âme en commun. C'était beau. Et Tom – sans équivoque – Paul le trouvait beau. Il faisait ours, et le touchait par sa sensibilité à fleur de poil...

Paul l'admirait. Comme l'homme dont il avait raconté l'histoire, Tom assumait ce qu'il était. Il avait dit que malgré son stress – car homme stressé il l'était aussi – il était parvenu à son âge à une sérénité intérieure, une sorte d'extase.

Stress et extase, oui, c'est possible!

 

Paul s'était dit que ça ferait un beau portrait de roman, notamment grâce à ce que Tom avait raconté. Paul s'imagina rencontrer cet homme aux sept femmes d'un coup. N'aurait-il pas été tenté de dévoiler son secret pour en faire un portrait romanesque authentique, et pour – en tant que son avocat – dire qu'il n'y était pour rien? Et comme l'homme avait pour objectif de n'en avoir qu'une – de femme –, il croyait qu'il ne lui en voudrait pas, sans doute lui rendrait-il service. Et Paul s'imagina confier cela à Tom, et celui-ci de le dissuader et d'ajouter:

«Sinon, bah... c'est son poing dans ta guôle!»

 

Plus tard, son associé Rémi les rejoignit. Ils parlèrent ensemble en se désaltérant toujours d'une Arduinna. Rémi demanda à Paul ce qu'il avait fait la veille, ne l'ayant pas revu depuis.

  • J'ai été au Musée de Rimbaud.

Il le scruta du regard.

  • T'es en plein Rimbaud...

  • Oui.

  • Il est bien le musée?

  • Oui, il est très intéressant.

  • Qu'est-ce qu'il y a dedans?

Paul en dressa l'inventaire et fit saisir l'importance du parcours pour les visiteurs curieux. Comme il évoqua les affaires de Rimbaud en Abyssinie, Tom releva:

  • Il a fait de sales choses en Afrique.

  • C'est malgré lui qu'il a été marchand d'armes. Il a cherché à être professeur et ensuite explorateur. La vie en a voulu autrement, expliqua Paul.

Il n'ajouta pas qu'il n'avait fait que reprendre des missions d'autres personnes, que ça lui était tombé dessus sans choix possible. Tom et Rémi se turent.

Paul aimait ce contact avec ces ardennais ignorant beaucoup d'une vie, d'une aventure, d'un homme si célèbre ici mais qui leur échappait tout en les interpellant.

La conversation rebondit sur les Musées. Tom lui dit qu'il aimait beaucoup le Louvre. C'était " immense". Paul parla de sa visite de l'expo sur William Blake à Paris, l'un des premiers peintres, lui dit-il à s'être défait du réalisme. Il peignait des visions intérieures.

  • Le nom me dit quelque chose, dit Tom.

Paul se demanda si Rimbaud connaissait William Blake et ses recueils poétiques et prophétiques ainsi que ses peintures pré-romantiques et visionnaires. Pas sûr. Mais, il l'aurait sans doute considéré comme un voyant, tout comme les poètes allemands Novalis ou Hölderlin qui répondaient tant à sa vision de la poésie. William Blake, lui, se rapprochait encore plus de Rimbaud par sa dimension prophétique. Comme le commissaire Belpomme le lui avait dit, Rimbaud avait écrit dans un devoir latin du collège: "TU VATES ERIS": "Tu seras poète", vates voulant également dire "prophète". Il prophétisait déjà... Et un titre comme Le mariage du Ciel et de l'Enfer du poète et peintre anglais n'aurait pu que lui parler.

- Santé! dit Paul.

En portant son verre à ses lèvres, l'Arduinna, comme la bave d'un sanglier, dégoulina sur sa chemise.

  • Et prospérité! répondit Rémi en riant avec Tom.

  • Et amour, ajouta Tom.

 

 

 

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