Paul au pays de Rimbaud et juliette (2ème roman de la trilogie "Rimbaud") - Annexes du roman
ANNEXE 1
RAP AIR
Quel est ce visage d'enfant
au front haut, au sourcil intelligent
Eh c'est Rimbaud, mon pote, c'est un pro
un pro de la po
Easy, boy, easy
Mister Rimbaud n'a que 17 ans
Yeah, boy, un génie de la po
Précoce pour son âge
La po et lui ont fait sale ménage
avec Verlaine
de 20 ans son ainé
C'était pas toute laine
d'être équilibré
Leur amour marqué d'une balle
Paul tire sur Arthur
c'est dur
les voilà en situation sale
Après ça
Verlaine va en prison
Rimbaud écrit sa Saison
En Enfer, mes frères
en Enfer
Fini la littérature
Rature Rature
Tout ça c'est pourriture
Arthur voulait changer la Vie
Pour lui, c 'était ça la Poésie
Pas easy pas essy
Alors il s'arrache il fait
Maclache maclache
Le p'tit c'était pas un littérateur
c'était un Poète, un vrai pot
un précurseur
de vos revendications
de la parole qui se fait Action
De la liberté, mes frères
de la Liberté
de l'Egalité de la Fraternité
c'est pour ça qu'il est parti
loin d'ici loin d'ici
dans les pays arabiques
pour se faire du fric
Mais surtout pour s'faire
une nouvelle vie via via via
il a souffert, mon frère, ma soeur
comme toi dans ta banlieue
et pire je crois
il a fait son chemin de croix
vingt mille lieues vingt mille lieues
sur la terre dans l'désert
dans les pays très chauds
ses pieds pissaient de l'eau
trafiquant d'armes trafiquant d'armes
il en a vendu autant qu'il a séché de larmes
Mais il marchait il marchait
la tête droite, droit devant
un jour, mon pote, il fut Kao
sa jambe ne traînait plus dans les bistrots
mais dans le sable chaud le sable chaud
Et il a dû partir, dur dur
il retourna près de sa mère
de ses soeurs, de son frère
dans les Ardennes son pays sa terre
fatigué comme un bagnard
une jambe lui fut taillé
le voilà estropié
dur dur trop marre dur dur
ça c'est pas d'la littérature
Rimbaud n'a pas pu s'marier
ni 'voir d'enfant
il mourut dans la misère
le visage ravagé ravagé
c'était plus l'visage d'enfant d'enfant
la vie l'avait saccagé saccagé
mais il mourut avec la Foi
Et ses dernières paroles
ma parole
furent celles d'un Roi
D'un Roi
« Oh dites-moi à quelle heure
je dois être transporté à bord »
à bord
le p'tit rebelle était devenu sage
il fit ses bagages en appelant Dieu
Il fit ses adieux
Et maintenant il vit
il vit parmi vous rebelles et rebeus
dans vos banlieues
Oh si je vous raconte mes frères
cette histoire béton
c'est pour pas qu'vous mourriez con
pour que vous espériez
pour dire pardon pour aimer la Vie
Rap-air
je suis le rappeur Rimbaud
je suis au Paradis
je suis au Paradis
Je suis
AU PARADIS
ANNEXE 2
LETTRES À ARTHUR
(mai 1996)
Cher Arthur,
Je pleure…Je me sens abandonné, seul, terriblement seul. Si je pouvais t’exprimer correctement et aussi vite que bat mon cœur tout ce que je veux dire. Cher Arthur, je pleure… Sans force je me sens, prêt à replonger dans la déprime. Oh ! il faut pas. Si je me laisse aller, je ne pourrais plus me relever, je le sais trop, c’est sans espoirs. Les espoirs ! Si tu savais combien ils se perdent. Ils ont la corde presque au cou ; ils l’ont, il ne reste plus qu’à sauter et ce sera fini. Ce n’est pas ce que je veux… Trêve. C’est un malheur d’être poète. J’étais né ainsi, on m’a refusé mon identité. Comme toi j’ai créé un langage nouveau. Et peut-être l’œuvre poétique la plus révolutionnaire de ce siècle. On m’a dit : Non. Non ! Tu ne seras pas poète. Puisque tu l’étais que trop, puisque tu as fait montre de la pire sincérité, puisque tu as tout bravé, puisque tu as dis Merde ! avec une auréole de beauté, belle* comme les seins des femmes ; parce qu’enfin, des femmes je suis… j’ai léché, sucé, léché leur vagin noir. J’ai craché rouge, cracher l’innocence immonde. J’ai trop salivé le rêve. Mon cul était plein d’étoiles, et là je les chie toutes. Cosmos. Embryon – incessamment.
Amen
« C’était ma première prière. Voici ma deuxième :
Rimbaud, dieu vivant bien que mort et inversement, dis-leur qu’ils ont tort, dis-leur qui je suis, que je suis Poète comme toi jadis, avant que tu renies – pauvre con ! – ta vocation. Mais toi maintenant – que tu le veuilles ou non – t’es une étoile. Je ne demande pas être une star, moi ; je veux juste être un poète, reconnu comme tel…
Rends-toi compte, j’étais le plus pur des hommes, le plus pur des poètes, je suis un enfant… et je deviens méchant. Ce n’est guère beau pour un poète qui se prétend poète. La dernière grâce.
Je ne demandais rien du tout en fait. Je voulais juste être aimé. J’ai peur. L’oubli…
Ma chatte ronronne à côté de moi. A l’instant que j’écris ces mots, elle met sa tête tout prêt de mon bras, tout contre. Elle seule me comprend. L’instinct de bête est plus beau que l’intelligence des hommes. Je ne parle pas de toi, Arthur. Tu as eu raison. La bête, la bête, la bête. Devenir bête. Voilà le vrai devenir. Aucun honneur à écrire des fantaisies. Mieux vaut balancer des fleurs à tour de bras. Les foules s’en satisfont.
Sanctificas Merdis pleurus me* - Amen
Salut !
Étant mort littérairement, quoique j’écris encore, il me faut vivre, vivre. C’est dur. Mais j’ai pensé que peut-être y aurait-il du travail pour moi à Baden. Je ne sais pas si je tiendrais le coup comme toi : je suis pâle ! Le soleil pourrait bien perdre son sang-froid. Certes, je pourrais rester là, chez mon papa et ma maman… Pi merde ! Les mots ne viennent pas. Preuve que je n’ai jamais eu de talent, et encore moins de génie. Je ne suis qu’un sot, maladroit qui se dit qu’un jour je serai reconnu, et alors, alors !… Tiens ! Comme dit Apollinaire – Ah ! un bon pote celui-là ! – : « Faux espoirs confondus ». C’est dans quel poème ? N’est-ce pas la chanson du mal-aimé ? Oui, ça revient.
Adieu faux amour confondu
Avec la femme…
La femme ! Depuis le temps que j’en veux une. Tiens, rien que pour baiser. Oh ! Mon sexe gonfle comme la lune de Cyrano. Qu’une femme célèbre mon vit, la vileté de mon corps. Que la beauté se lie au lait et que le lait se lie à la lie* au lit. Me comprends-tu ? Sot…
Sitôt elle ouvrirait les cuisses que j’aurais lavé les cheveux de son con.
Et toi ?
Je n’ai fait que parler de moi, je m’en excuse. Je n’ai pas l’habitude que les dieux s’intéressent à moi.
Maintenant je fais ma petite prière en silence.
Là. Je suis fatigué. Comment te dire au revoir, Arthur ?
Au revoir.
Ps : Arthur, j’ai peur, je pleure.
Cher Arthur,
De pire en pire. Je sens le vide autour de moi. Je suis allongé, je regarde le plafond, le vague, toute cette lumière qui m’anéantit, je sens mon pouls à mon cou qui… Vois ! je n’arrive même pas à trouver le mot, c’est terrible d’être à un tel point. Je suis à un point où je n’arrive même plus à rassembler mes pensées, je ne cherche même plus l’éloquence. Un mot ne peut plus me sauver. Un mot est une fin . Écrire est vain. Ma flamme s’est épuisée dans le vide, parce que cette flamme était seule dans son sanctuaire et que personne ne l’a vu et était en mesure de la voir, par ce qu’il n’y a rien à voir, rien à comprendre, parce que c’était une flamme parmi tant d’autres, et qu’elle s’est cru unique, au point d’avoir droit à la parole, à toute attention. Une flamme égoïste. Elle ne porte pas de nom, n’a rien en plus, rien qui la dissocie, rien. Une flamme. Une flamme qui n’est plus flamme. Même plus assez flamme pour ironiser, même pas.
Seulement assez femme pour pleurer. »
ANNEXE 3
HAR-MAGGUEDON
Septembre ! Les moissons et les vendanges
Saison mûre pour parler
Parler haut et fort pour que tout le monde entende – tous ! –
certains plus que d’autres…
Aujourd’hui je sais que je suis heureux, sachant qu’Hier je ne l’étais pas
et je vais vous dire pourquoi.
Allons, me suis-je dit en marchant (Je date : 27 septembre 96), allons à l’essentiel.
Oui, comme Rimbaud, allons à l’essentiel. Ne puis-je pas à mon tour écrire ma Saison en Enfer ? – Maintenant que je suis armé de sérénité, contre la « Sérénité » je puis bien agir.
A vous mon expérience.
Jadis, si je me souviens bien… ma vie était un fourbi ; mon cœur un festin pour tous les insectes de la culpabilité et de la honte.
Antonin,
Tu as dis tellement vrai quand tu as dis : la honte, le dernier, le plus redoutable obstacle à la liberté.
La honte ? – :
Chose écarlate et amère, on la sent qui monte
Et viole voracement : c’est, fleur nue, la honte !
Oui, la honte ! la honte ! C’est la plaie !
Mais, je vois, vous ne comprenez pas…
Jéhovah, lui, me comprend. Il sait qui je suis. Vous aussi, Frères et Sœurs dans la Foi. C’est pour vous, d’un cœur innocent, que j’écris cela. Pour une fois, ne fermez pas votre esprit et votre cœur, ne dites pas : C’est Satan. Mais ces précautions, je les sais vaines. La Bible est sans défaut : Satan lui-même se transforme continuellement en ange de lumière (II Corinthiens 11 :14)…
***
MAUVAIS SANG
Mudussuz mu !… Ju mu mudus mu mûme
Mu PURUDU çu utu mu CHUR
Munn UFUR çu utu munn UNNUCUCE
Je suis né prématurément – j’eus le sang souillé, malade à mourir. Expérience première dont je ne me souviens plus. Tout mon Moi est là et j’y suis encore. J’aurai toujours deux semaines de retard sur le monde. Ma mère en 1973… Moi, en 1973 ! non ce ne peut être un hasard. Où étais-tu, maman ? Toi aussi sous une bulle. Ô mes parents – maman, papa – deux semaines, vingt ans nous sépareront toujours. Il faudrait me sortir des limbes – cette bulle limbéale. Sanglots. Tympans qui font mal, pouls suffocant, mains en sueur – vous me regardez toujours à travers cette bulle – et moi toujours sans rien voir que le blanc des limbes, que le noir de la matrice. Mon mal ictérique, mon mal ombilical. Ah ! Je suis sauvé ! Ah ! je souffle ! Ah ! Je suis vivant ! Vous ne savez pas ce que c’est que de sortir pour la deuxième fois d’une bulle, moi qui avait survécut d’une bulle dont je ne soupçonnais même pas l’existence, et qui était très haut. Je voyais le ciel, mais je le voyais à travers la bulle. Chaque animal avait un nom mais tous étaient Dieu. Et ce Dieu, on le nommait JEHOVAH : Dieu tout puissant qui a crée toutes ces choses que tu vois : les étoiles, les oiseaux, le vent chantant la grandeur de Jéhovah ! Jéhovah est ton Dieu. C’est lui qui t’as donné la vie, Dieu est amour. – Saloperie !
Oh ! Bonheur des premiers ans ! Inconscience, innocence, contentement, Joie !
-
En batifolant nus, ces natifs embryons
Impuissants du Ténèbre ils jouissent des rayons
Et se colorent une âme ouverte et amenée
Au soleil primitif, les yeux illuminés ;
Ils ont pour ami d’inaccessibles inconnus,
Pour berceau, l’esprit familier tombé des nues…
Enfant, je dansais sur Mozart, enfant, j’élevais des poupées, enfant, je jouais aux bêtes. Mon frère et moi… Instants délicieux ! Et j’aimais la nature et la nature était en moi. Mon bonheur, c’était les oiseaux – combien de fois je suis sorti dans la nature pour les voir. Mon bonheur, c’était les livres de bêtes – j’allais en Afrique dans la savane, en Amazonie – boas, jaguars… – Partout je m’évadais. Mon bonheur, c’était décalquer les bêtes – lions, gorilles, éléphants – dans les Animaux d’Afrique. Mon bonheur, c’était de collectionner les nids – troglodytes, pinsons, mésanges… – les os et les pierres. Mes bonheurs étaient nombreux.
Mais,
Dieu mon ami
Dieu mon ami
Dieu mon ami
J’avais zéro dans ma mémoire
J’avais zéro dans ma mémoire
J’avais zéro dans ma mémoire
J’savais pas dire que Blanc que Noir
J’savais pas dire que Blanc que Noir
J’savais pas dire que Blanc que Noir
Qu’tu m’racontais des histoires
Qu’tu m’racontais des histoires
Qu’tu m’racontais des histoires
Du p’tit du vert paradis Blanc
Du pt’it du vert paradis Blanc
Du p’tit du vert paradis Blanc
Dieu mon ami
Dieu mon ami
Dieu mon ami
Souviens nous quand
Souviens nous quand
Souviens nous quand
T’es né
T’es né
T’es né ?…
Je ne sais pas, mon ami. Tu t’en es bien sorti dans mon enfance, il faut l’avouer. L’enfance avorte tout. Dieu avorté, il faut lire ta Bible enfant. Que d’histoires grandioses et passionnantes n’ai-je pas lu – ne m’as-tu pas raconté dans ton recueil : Abraham ! l’arche de Noé ! Moïse et ses plaies ! Jésus et ses miracles !… Ah ! et j’oublie – Adam et Eve ! Mais grâce ! Nous sommes sauvés : bientôt ton Paradis. Vraiment, il ne fallait pas plus pour bercer une âme d’enfant…
C’est ton procès que je fais maintenant, Dieu de Mensonge, Dieu de Terreur, Dieu Mauvais. Il n’y a pas, sur terre de criminel à qui je couperais la tête !…
JEHOVAH : « Mais, cher Satan, je vous en conjure, une prunelle moins irritée ! »
Moi : Mon cul !
Ton histoire est si ridicule que j’aimerais pouvoir dire « Il était une fois… »
Certains ont eut l’expérience de la guerre – moi, du Péché. J’ai tant vu le Péché partout que je ne puis plus le voir. A quoi te comparer, sinon à une sangsue. – C’est la mortification ! C’est la mortification ! Je ne parle pas de peccadille, je parle de transgression, de vice, de souillure, de Destruction – vertige ! – je parle de mots à maux : ŒUVRES DE LA Chair, Mauvaise Conscience, Cœur mauvais, Impureté. Péché contre l’Esprit Saint ! Har-Maguédon ! Le poids de la croix ! – Non ! du poteau ! Se confesser… Ô « Gens du Monde », Chèvres noires et Chèvres blanches, Cœurs à gauche, futur fumier du Paradis de Dios ! – Votre situation païenne est mille fois plus désirable que la Rose Pourpre. Sais-tu, toi, ouistiti, et toi, gitan bonhomme, mes amis – savez-vous que votre amour est en danger – par trop d’innocence, en vérité !
Ha !… Vérité ! J’ai trop entendu ce mot : « Comment as-tu connu la Vérité ? (blablabla…) Ah ! heureusement qu’il y’eut la Vérité !… (Oh oui ! blablabla blablabla) Et ce : « Quand as-tu pris Position ?… » – Mes pauvres !
J’ai été, moi, « L’Esclave-fidèle-et-avisé » J’ai été le Béthel. La Honte était mon siège.
Je vais verser ce mauvais sang sur vous. Il faut que je me saigne encore une fois. Cette fois, ce n’est pas le Pourpre qui me fait reculer, mais une certaine pudeur. C’est ma vie intime qu’il me faut violer – douleur pour moi d’ouvrir la blessure honteuse. Et dire qu’ils ne me croiront pas – et ceux qui me croiront refuserons son poids de sang – la rédemption du Christ ! la Rédemption du Christ ! Toujours ! toujours ! – C’est un sacrifice pour rien. L’on me pardonnera bien, sous plaidoyer de folie – ces petites vétilles – mais c’est sans effet, c’est une parole morte. Je suis mort à leurs yeux. Allons ! Puisque je suis mort – Sauvé ! – je peux tout oser :
Écoutez, c’est La Honte qui vous parle.
J’étais déjà bien malade, c’était le temps de toutes les effusions, de toutes les confessions. À Odile, en qui je voyais mon salut, j’écrivais des lettres que je n’envoyais pas :
[Lettre à Odile]
Voilà tout le déballage d’un écrivain prématuré ! Imaginez ! 21 ans ! Non pas adulte – la fleur de l’âge ! Et je raconte mes 17 ans ! C’est l’enfance !
Sa perte…
L’écriture m’a sauvée. Et puis…Et puis… – Je vous le dirais après !
Croyez-vous que je sois fâché ? – Pas du tout ! Mais pas du tout… Pourquoi croyez-vous…
Allez ! dormons…
__________
On parle tellement de l’anatomie de l’Insecte en termes de lois, qu’on en oublie le mécanisme profond et son subtil appât-venin.
Que savez-vous des fantassins morpions, des Torbacs juteux ?
Hier, j’ai entendu des stupéfactions. Je dis des choses qui vous dépasse. Et vous ne savez pas tout. Moi-même ne sais pas tout. Il faut être humble.
Munissez-vous de la canne qui est l’œuvre de foi...
Ajoutez-y le fil car il n’y a pas de bon sans l’aide de Jéhovah
ETC.
Mes yeux noyés dans l’obscurité de mon âme
Cherchent vainement une lueur d’espoir
ETC.
C’est moi La Pêche aux hommes, c’est moi L’Appel, – c’est moi.
Dualité du gouffre, cycles, tourbillons. Tempête de l’esprit et accalmies : J’étais ce flot de la mer poussé par le vent et ballotté…
Sept années, je crois – la perfection ! – séparent mon premier poème de l’Appel – mon second – ,
Sept aussi de La Douleur :
Mal noir ou blanc
Sensation sans couleur
...
Victime de la chair
Victime de tes chers
ETC.
Sept De L’Enfer :
Ma conscience me tance
Dans des fleuves de démence.
Des tours m’entourent
Comme pour bannir l’amour,
Seule résistance à mon silence
À mon aisance de folie
ETC.
L’Enfer existe ! J’ai vu le Schéol, j’ai vu l’ombre de l’Hadès, j’ai vu la Géhenne dans la Vallée de Hinnom, j’ai vu le Tartare ! J’ai été Trois jours dans le ventre du poisson ! Oh divines, les prophéties ! et la Fosse !
J’exagère… J’ai maintes fois vu le soleil entre deux nuits.
Oui… Mais c’était un fauteur de troubles aux éphémères rayons. Les eaux troubles du Léthé…
Mais l’aiguillon de la conscience !
Je la voyais… Je la regardais, les jambes lubriquement ouvertes au spasme sensuel du jouir qui la renversait en arrière, la croupe saillante, la poitrine offerte au sucer du soleil, et qui la faisait, avec un érotisme raffiné – évoé ! évoé ! – se prendre la chevelure dégoulinante de sueur et de gloire.
Je la désirais…
Tout ça pour un cri femelle qui s’échapperait de sa chair délicieuse et concupiscente !
Ô Statue ! J’ai péché contre toi !
La sentence : « Vous avez entendu qu’il a été dire « tu ne commettras pas d’adultère. » Mais moi, je vous dis que quiconque continue de regarder une femme au point de la désirer, a déjà commis, dans son cœur, l’adultère avec elle. Si donc ton œil droit te fait trébucher, arrache-le et jette-le loin de toi, car il est plus avantageux de perdre un seul de tes membres que de voir tout ton corps s’en aller dans la Géhenne. »
MATTHIEU 5 :22… C’est certain… je suis coupable… Mais… l’ai-je bien regardé au point de la désirer ? Oui… Je crois bien qu’elle est morte, car je ne l’ai plus revue… Dieu ! aide-moi ! Il me comprend…Il me connaît…Il connaît mes faiblesses… Et puis… ça s’applique qu’à l’adultère, je ne suis pas marié ! Non… Non… A « Adultère » s’entend aussi « Fornication ». C’est le même acte ! Il n’y a pas deux désirs sexuels – il n’y en a qu’un !… Dieu ! Où suis-je ? Dans quel péché ! Dans le Grave ? Faut-il me confesser ! Les Anciens…les parents… la Congrégation !… Non… Non… Plutôt mourir…
Une solution ! L’Endurcissement…
Dieu ! Je n’y parviens pas !…
Les méandres. La confusion et le silence.
« Je suis coupable… je suis coupable » Encore cette vieille culpabilité.
___________
Enfin… un peu d’anatomie ! Pour la Science ! Le progrès humain !
– Si c’est pour ça… alors…je puis bien me faire entomologiste…
Traaact !
Étudiant ! – Présent !
Proclamateur ! – Présent !
Frères et Sœurs ! – Présent !
Brebis ! – Bîîîî !
Chèvres ! – (Bêêê)
Qui sont les Brebis ? – Ce sont les gentils…
Qui sont les Chèvres ? – Ce sont les méchants…
Reprenons :
Pionniers auxiliaires ! – Présents !
Pionniers permanents ! – Présents !
Serviteurs ministériels ! – Présents !
Salutations fraternelles et Félicitations.
Où sont les anciens ?
– Ici !…
Qui sont les anciens ?
– C’est vous !…
Au dessus du bétail ahuri des humains…
L’Esclave Fidèle et Avisé : pas encore tout à fait au Ciel
Au Ciel : les anges, les chérubins, les séraphins, les oints-oints !
Les 144000 et Jésus Christ !
Jésus Christ ! Jéhovah !
– JEHOVAH !
Jéhovah… qui…depuis des millénaires ! est l’illustre ennemi du côté obscur :
SATAN !
Mais c’est une Mythologie !
La Bible… un univers ! Chaque lettre, une étoile ! Ô Cosmologie !
« Plus que ça ! – Un cœur…
– Une tombe… »
« Tais-toi, mais tais-toi ! C’est la honte, le reproche ici : Jéhovah qui dit que le feu est ignoble, que ma colère est affreusement sotte. – Assez !…Des erreurs qu’on me souffle, magies, parfums faux, cantiques puériles. – Et dire que je détiens la vérité, que je vois la justice : j’ai un jugement sain et arrêté, je suis prêt pour la perfection…Orgueil – la peau de ma tête se dessèche. Pitié ! Seigneur, j’ai peur. J’ai soif ! Ah l’enfance ! L’herbe, la pluie… »
Arthur, mon frère !…
Où en étais-je ?
____________
Les recherches folles ! Les scénarios de l’autodestruction et de la Destruction
Je trouvai dans des livres de quoi nourrir ma fatalité :
« Peut-être s’engagera t-il dans le péché et son cœur inventera t-il dans le même temps divers prétextes pour justifier son action. Il est possible qu’il compte sur la bonté de Dieu en se disant « Dieu est très miséricordieux ; il me pardonnera à cause de ma faiblesse charnelle » et il persévérera dans la mauvaise voie. Il est comme le méchant qui dit en son cœur : « Dieu a oublié. Il a caché sa face. Assurément, il ne verra jamais » – Psaume 10 : 115
« […] Une personne peut laisser croire qu’elle se repent parce que sa position est indéfendable, sans que son cœur soit pour autant touché.
« En suscitant de mauvais mobiles, le cœur est capable de tramer des choses mauvaises et de forger des raisonnements faux et méchants (Ps 140 :1,2 ; Prov 6 :18 ; Zach 7 :10 ; Mat 5 :28 ; Marc 2 :6-8).
« L’homme qui persiste dans le mal ou dans l’obstination de son cœur endurcit celui-ci qui devient alors « comme la graisse », c’est à dire insensible, de sorte que son propriétaire tombera dans le malheur (Deut 29 :19-20 ; Prov 28 : 14 ; Héb 3 :15 ; Ps 119 : 69 :70. Comparez avec I Timothée 4 : 1-2). »
Un jour, je pris note à l’encre rouge un rouge avertissement de la Tour de Gare-à-vous ; toute une page d'examen de conscience brûlant, marquant au fer rouge – troublant, pernicieux, culpabilisant au possible (et ça avait le malheur de dater de l'année de ma naissance!)
Et toujours les bibliques poisons (tandis que d'autres sont des baumes pour le coeur): « Je vous dis que quiconque continue à regarder une femme au point de la désirer… », « Faites donc mourir les membres de votre corps qui sont sur la terre pour ce qui est de la fornication, de l’impureté, du désir mauvais (sic)… », « Ne vous laissez pas égarer, ni fornicateurs, ni idolâtres… », « Or, les œuvres de la chair sont manifestes… », « Ne vous laissez pas égarer : on ne se moque pas de Dieu. En effet, quoi que l’homme sème, c’est aussi ce qu’il moissonnera ; car celui qui sème en vue de sa chair moissonnera de sa chair la corruption… »
Matthieu 5 :27 ! Colossiens 3 :5 ! I Corinthiens 6 :9 ! Galates 5 :19-20 ! 6 :7 !
Et les autres choses…
Terrible le « On se moque pas de Dieu »… Terrible !
Bref… tout cela est du CACA. De la scatologie. C’est faire bouffer sa merde sur une petite cuillère – pour après se barbouiller soi-même avec ! – Double expérience de la merde ! À en vomir ! À en mourir…
Vite ! Au hasard, un verset ! Je ferme la Bible – je l’ouvre ! Psaumes… tac, miracle:
– « Jéhovah est proche du déprimé »… Sauvé ! Ah ! Et Romains ! Il y’a de l’humanité là-dedans… Je ne suis pas perdu… Merci Jéhovah pour ta bonté…
Oh ! J’ai péché ! Vite, une prière… Sur le lit à genoux ! « Ô… Jéhovah, mon père… j’ai péché… Je suis indigne de toi… Ô Jéhovah, pardonne mes faiblesses, pardonne ce que j’ai fait… Donne-moi la force de lutter contre le mal, donne-moi une part de ton Esprit Saint. Ô Jéhovah… Ô Jéhovah… … … Mon Père Jéhovah, je te prie d’agréer cette requête, non par mes mérites, mais par les seuls mérites de ton fils Jésus Christ. Amen… »
Vite ! Le Baptême !
Sauvé cette fois !
Ça recommence…
Maintenant l’exclusion…
Précipitation de la crise : mon frère part.
Précipitation de la crise…
Moi chèvre bêler comme un dément :
Vê !…Vê J’é kêr mêchê… Tê vê ?… Vê mê kêr… El bêt ê gêche… Gêche… Gêche…
Mêt tê mên êcê… Hê Hê… Tê Vê, êl bêt ê gêche !…
EH ! VÊ… TÊCHE ! RÊSTE ÊCÊ ! VÊ ! NÊ PÊR PÊ ! NÊ P ÊR PÊ !
CRÊ PÊ !… CRÊ PÊ !…
VÊ TÊ CHÊ DÊ TÊ MÊN
MÊ MÊ...BRE VÊ …RÊL ! TÊ VE ? VÊ ! ÊL EST Ê G ÊCHE
CRÊ …PÊ … ! CRÊ …PÊ … !
PER…PE… ! PER…PE!*
J'ai seul la clef de cette sauvage parade. Je vous réservais la traduction :
"Vois! Vois. J'ai le coeur méchant. Tu vois? Vois mon coeur. Il bat à gauche... gauche... gauche...
Eh! Vois... Touche! Reste ici! Vois! Ne pars pas! Ne pars pas!
Crie pas! Crie pas!
Vois, touche de ta main.
Mon mem...bre vi...ril! Tu vois? Vois! Il est à gauche!
Crie pas! Crie pas!
Pars pas! Pars pas!"
Pourtant il y eut le Soleil !
Qui suis-je…
DELIRES
I
VIERGE FOU
DELIRES
II
ALCHIMIE…
L’IMPOSSIBLE
Je fus cela. Ou celui-là.
J’ai à Dieu demandé la paix plus de mille fois dans ma vie, et j’ai bien vu que cela n’était pas possible. Voyant que cela n’était pas possible, j’ai prié l’impossible.
[Deux lettres à Odile]
Je dépéris.
Je m’aigris, je maigri…
Il n’était plus question de faux sentiments, fausses prières – ça faisait trop longtemps que je ne priais plus – refroidi et endurci. L’heure avait presque sonné.
Je me souviens de mon angoisse quand, pâle, j’allais aux réunions – et, blafard, en ressortais , – souvent avec l’envie de pleurer. Je me hâtais vers ma chambre, où je m’enfermais et n’en sortais que pour manger, et le soir, je pleurais dans mon lit.
L’étouffement d’une tendre mère consternée, impuissante. Propos acerbes – rebutement.
L’impuissance-pudeur de mon frère.
Ma fuite.
Vous voyez, tout n’est pas si simple.
Abandon – la réclusion.
En moi la blessure béante-fermée, la brûlure intense, le furoncle dans la chair ; dans les tripes, la voix du dédain, de la révolte. – la juste colère ! –
À la Salle, tout seul dans mon coin, rougissant, pâlissant, hâve, en sueur – prêt à faire exploser la machine intérieure devant tous, prêt à émouvoir, indigner, scandaliser, arrachant mon cœur palpitant de sang et le brandir entre mes mains et le jeter à cette foule inerme – en appeler à Jéhovah lui-même et tenter Satan, esprit qui fondrait à la vue de mon cœur, avaler la connerie du monde (ce prêtre-criquet qui dit immoral un baigneur avec son sexe !…) – j’avais envie de branler le micro… J’étais maître en affabulation.. Et en ironie et autre :
Je suis vivant
J’ai vécu
J’ai 22 ans
Et pourtant
J’ai dû vivre pour tout bien
2 heures 22 minutes
Je n’est pas vu les secondes passées
Dieu les a comptées
Mon orgueil traille mes faiblesses
Satan tue-moi
Ou c’est Dieu qui me tuera
La honte…
Jéhovah, ce n’est une voix hautaine
Qui sourd en moi
Écrase mes sentiments, écrase mes faiblesses
Et fais-moi fumier inodore
Je pensais déjà à mon Requiem. J’étais mûr pour la mort…
L’ECLAIR
Un soir… j’ ai assis la beauté sur mes genoux. – Et je l’ai trouvée divine et belle. – Et je l’ai vénérée.
Je me souviens, c’était Baudelaire, bouleversant de douleur, de beauté jamais savourée, et ses fleurs maladives, comme de moi, je les humais à même les pages toutes à son âme – parfum capiteux, magique qui était la convulsion, le Sacré et le Sacrilège de sa poésie. Et quand je parle de pages, je parle de chair et de son odeur, de l’essence de la chair, essence charnelle et spirituelle, je parle de pages que je palpais – je dis qu’il y avait là toute l’âme de Baudelaire, et c’est parce que ça sentait le Péché que je me suis tout de suite identifié à lui.
Mais cela n’a pas suffi.
Ce n’était pas le Diable ! mais quand même… on ne peut pas sortir indemne et je dirais presque « impuni » d’une telle lecture dont je me nourrissais en silence, en cachette – et si Arcane 17 en avait appelé déjà à la révolution dans ma tête, Les Fleurs du Mal accusaient plus haut et ouvraient l’abîme duquel il ne restait plus qu’à sortir.
Plus que !…
« Ô Satan, prends pitié de ma longue misère ! »
J’entrepris pour mon salut un long travail poétique. Souffle devait être mon Grand-Œuvre. Je me découvris moi-même. J’avais la certitude d’être poète. Je commençai par un langage neuf et profond comme l’abysse :
Su j’uvu…
Su j’uvu SU
Su j’uvu…
Su j’uvu VU
Su j’uvu…
Su j’uvu PU
Mus j’u pu SU j’u pu VU j’u pu PU
Ut ju sus dus lu ru du mu SULUTUDE*
ETC.
Je réservais encore la traduction que voici:
"Si j'avais su
si j'avais vu
si j'avais pu
Mais j'ai pas su, j'ai pas vu, j'ai pas pu
et je suis dans la rue de ma solitude"
Je voulais être un oiseau qui ne connut pas le Bien ou le Mal :
-
Une uzu qu cunnu pu
-
Lu Biu u lu Mul.
Je pleurais, puis je jetai un cri :
-
Je veux gerber mon cœur !…
Je composai mon premier sonnet, "chef-d’œuvre d’outrance", qui confrontai les deux « Entités » :
Au dehors : juges, Absurde, filtres : ABSTINENCE…
[…]
Au dedans : Psyché honteux, poupée frêle, RAGE…
[…]
Et je finissais par nous comparer aux invisibles engoulevents, « hirondelles captives des ombres »…
Après, j’allai trouver mon cœur chez les insectes et les mollusques. Je m’affublai en tout : colimaçons, arions, iules, lithobie, lombric !…
Je déclarai : "Je suis un ver de terre amoureux des Nuées !"
Oui, je faisais de merveilleux cours de physiologie.
Les fourmis et le phasme – surtout le phasme ! - en étaient l’apothéose.
Alors seulement je sortis de terre et expirai un grand souffle. Je fus à même de voir la terre et le ciel, spectacle immense en allégorie, paysage d’horreurs et de beautés – l’existence des oiseaux emportait tout jugement, et j’entrevis grâce à eux le monde tel qu’il était vraiment.
Je saluai la naissance du printemps. J’étais son nouveau né,
Près à tout avaler tant la faim du nouveau
Creusait de volupté l’estomac du regard
Les oiseaux étaient mes amis.
Mais à nouveau, brûlant contraire, je vis le spectacle de l’infamie. Dieu est un artiste : tous ces oiseaux morts pour engraisser la terre et y faire éclore, pour la Nouvelle Humanité, ses merveilleuses fleurs du paradis !
Je m’évadai dans la Nature en pleurant et je lui parlai. Recueillement, états d’âme, tristesse et sérénité.
Désarroi. Le Fleuve me recrache à terre. Je me retrouve transi devant le feu. Puis s’éveillent en moi des images poétiques, des impressions d’automne, des amertumes passagères… Un chant aux poètes, et je me retrouve encore comme pris dans la glace.
Je me révoltai soudain contre un trop sage silence. Je peignai une fresque allégorique qui allait s’enfonçant dans des sables mouvants, rien que par le pouvoir des couleurs. Je mettais en scène, dans un décor antique, le Viol. La cruelle Melpomène sur son nuage peignait une scène terrestre qui devait se dérouler sous les yeux de sa mère, Junon, épouse de Zeus, lui rendant visite. L'écran "télécommandé" montrait au milieu d’un désert des corbeaux perchés qui oipiaient une nymphe se baignant les cheveux en feu, les fesses en larmes, « le con dépourvu de moirpion. »
Le mystère restait entier.
-
Du sein du sang vaginal, envole-toi colombe !
C’est ça, tuons le mystère… De toute façon, personne en a voulu.
Mon œuvre avançait, s’enfonçait elle aussi dans des vertiges.
Je célébrai la Femme comme la seule vérité.
Dieu sait qu’elle était sexuelle.
Troisième printemps ! Je trouvais que Dieu avait une chair.
J’ironisai. Je trouvai dans l’enfance des origines à mes fantasmes : Les Yeux.
J’appelai à moi une chatte, et à la fin de toute cette concupiscente tendresse se mêlait le remord.
J’invoquai L’Esprit masturbateur. Je tuai le Tabou.
J’étais cru au vouloir et à remord.
Je ne pouvais que crier à la fin :
Les transes nocturnes m’ont enfin assommé Tant mieux !
Je suis sauf
Seulement sauf
-
Sale comme un divin porc !…
Avec l’espoir d’un orgasme amoureux
LÀ-BAS
Où le foutre peut couler toute sa folie d’aimer
D’une concupiscence Immaculée.
De là, je tombai dans l’enfance. À une bref évocation de bonheur, je fis suivre le Cauchemar des sept ans : c’était une peinture insoutenable :
Dans mon lit, Oneiros, dieu caricatural,
S’éveilla en grognant plein de vues titanesques,
Me fit voir en couleur, rêve cauchemardesque,
Une sorte… un lieu comme…un désert carcéral !
[…]
C’était de la folie, je n’en doute pas, cher sang…
Pouvais-je aller plus loin ?
De ce temps-là, ce fut ma dernière aventure.
Plus tard, je la compléterai.
Suit Les Poupées ; suit une longue lettre à Dieu dont chaque vers se répétait vertigineusement comme un écho dans l’Infini-cosmos ; suit La déchirure des vers eux-mêmes ; suit les effusions, les cris, les confessions désespérées ; suit le Nirvana !
Là… c’est, après la suprême ironie ( « Les mouches soient bénies en ce monde affolé ») lasuprême expression : une longue prose se désagrège petit à petit dans l’espace; au fil du temps, des mots suspendaient dans le vide, des pages blanches apparaissaient, puis ce sont des mots, encore des mots, de plus en plus rares, qui se répètent à la fin …
J’arrivai au Mystère.
*
Voilà.
Après ça, ma Grand-Œuvre ne peut être que diminuée…
Tenez ! je vous détache ces quelques feuillets de mon carnet de damné.
Mon pauvre, tu rimbalises tout. Mais parle, Paul !
Oui…Mais c’est je crois Arthur qui parle par ma bouche, ou plutôt moi qui parle par la sienne – car, en vérité, je ne puis m’exprimer.
Apostasie : Ne pas avoir de pensée propre. C’est très-certain, c’est oracle ce que je dis.
Mais c’est pas une raison pour prendre la voix du génie.
– Soyons avares comme la mer.
NUIT DE L’ENFER
La dernière Assemblée…
J’ai envie de les taire tous. La connerie n’est plus supportable.
Il faudrait que ces milliers et milliers de bétail abêti m’entendent, moi ! que je leur parle viscéralement, qui à faire éclater les cervelles, et la mienne, en premier. Pour cela, foncer à travers la foule, monter là-haut, au pu-pitre, me lever comme un seul homme !
Fantasmagories
La pompe. Je suis assis. La tête me tourne…J’ai envie de pleurer…je pleure…
Une femme – je devrais dire une sœur – viens vers moi :
« – Qu’est-ce que tu as… Tu ne veux pas me parler ?… Dès fois ça fait du bien de se décharger, tu sais…
– Je n’arrive pas à parler…je n’peux parler…
– Pourquoi… J’suis là pour t’écouter… je veux t’aider…
– On ne peux pas m’aider.
– Jéhovah ne t’abandonne pas… Il sait ce qu’on a en nous… Moi aussi, j’ai fait de la dépression…Je peux te comprendre…
– Non ! Non ! Personne peut me comprendre ! Personne !
– Ne soit pas agressif, Paul…
– Tu crois pas qu’tu m’agresses là, hein !…
– J’veux t’aider…
– J’ai besoin d’l’aide de personne !… Personne peut m’aider ! ! J’suis seul ! Personne peut me comprendre ! !
– Si, Jéhovah… Lui seul…
– Non ! ! Non ! ! Partez ! ! ! Foutez-moi la paix ! ! !… J’en ai marre ! ! ! J’vais tout foutre en l’air ! ! ! J’peux plus, j’peux plus ! ! ! !… »
Tout devient flou autour de moi. Je cours, bête folle dans la foule, ne cherchant qu’à sortir respirer, tel l’animal pris dans un bocal d’éther.
Et dehors, dans un fossé, je pleurais, soliloquant confusément et frappant la terre.
Rentré chez moi, une fois dans ma chambre, je me fus à pleurer, et toute la nuit… je pleurais !
J’en pleurerais, tiens…
Oh ! J’ai si mal que j’ai mal…
Comment décrire mon enfer !
Comment en sortir, surtout…
Je vais me tuer… C’est décidé…
C’est bien faible…c’est bien faible…
J’écrivis une lettre d’adieu :
[Lettre d’adieu]
Assez !…
Ai-je dit que je pleurais ? – il me semble ne pas le dire assez…
Oh ! Vite ! Mon requiem !…
Un lent et solennel va et vient de violons, un doux basson souffle son intime et timide mélodie ; les violons décrivent une ascension, les bassons une avancée : on monte des marches ! Vers où ? Quel supplice ? quel consolation ? Les violes brandissent et branlent, les trombes et les tambours retentissent quatre fois, et des voix mâles, puis des voix de femmes s’élèvent… Attendez ! Je l’entends ! Oh Chœur douloureux ! Requiem aeternam dona eis, Domine : et lux perpetua lucrat eis. Te decet hymnus, Deus, in Sion, et tibi reddetur Votem in Jérusalem : exaudi oratinem meam, ad te omnis caro veniet. Requiem aeternam dona eis, Domine, et lux perpetua luceat eis. – Les ténèbres et la lumière !
Kyrie eleison…
Christe eleison…
Kyrie eleison !…
Dies irae ! Dies illa !
Solvet saeclum in favila :
Teste David cum Sibylla.
Quantus tremor est futurus,
Quando judex est venturus,
Cuncta stricte discussurus !
O jour de colère…
Tuba mirum spargens sonum…
Quid sum miser tunc dicturus ?
Quem patronum rogaturus,
Cum vix justus sit securus ?
Rex !…
Rex !…
Rex !..
Rex tremendea majestatis
Qui salvandos salvas gratis,
Salva me, fons pietatis.
Oh… des papillons s’envolent ! ça s’élève, ça s’élève… léger, léger… Que c’est doux… que c’est triste…
Recordare, Jesus pie…
La douleur me ronge comme un coupable…
Allez, fougueux galop ! Mords !…
… Voca me cum benedictis…
Le froid et le chaud tous ensemble !
Et hop ! 8 8 16 : les larmes me montent aux yeux comme le crescendo des voix. Oh ! Jour plein de larmes… Ô lacrimosa, lacrimosa… Mozart ! Puisque la mort est le véritable but de notre vie…
Rex gloria…
Tenez l’Hostias, le Sanctus, le benedictus, l’Agnus dei !…
L’agnus dei ! Je n’ai jamais entendu plus grande douleur, de lancination dans les violons, de déchirure dans les voix… et c’est elle qui fait se pointer le couteau noir sur mon cœur…
Écoutez…écoutez…
Agnus dei, qui tollis peccata mundi : dona eis requiem
Agnus dei, qui tollis peccata mundi : dona eis requiem sempiternam –
Oh ! On m’a tout pris…Ma liberté… ma pureté…mon innocence !… On m’a tout pris…
Mon sang en a été corrompu – mon âme violée…
Combien faut-il de courage pour te soulever contre la culpabilité sans se sentir Coupable !
Tais-toi et tues-toi…
Je n’y arrive pas… Le couteau a du mal a rentrer…qu’y puis-je ! Il est là… Il reste suspendu sur ma volonté…
Alors, si tu peux pas te tuer, alors c’est du cinéma, mon pauvre ! Regarde, comme tu t’apitoies sur ton sort. C’est la dixième fois que tu te soûles avec ton requiem, comme pour te forcer à pleurer, comme pour prouver que tu souffres, et dix fois tu as dit : Au dernier cri je me tue, et je n’ai jamais sentis la moindre blessure rentrer, le dernier quia pu es a retenti, et je n’ai pas vu une seule goutte de sang couler…
J’on son fron, son fron… J’on non son pon quon fonr. J’on onvon don monronr, on…on… mon yon son on plonr, j’on non von plon. J’on pronfor lon monrt on Honr-Monguondon. Onh ! jon son lon gonffre…C’on on gonffre on non plon fon-nonr. Ponrton l’onfonon, ponrton lon Vonrtonge, ponrton lon dongonron ! Dion ponrton… On lon ponr don donçonvonr, d’ontre jonjon ponr lon ontres… J’on ponr… son ponr… son ponr don monronr… monmon… Onl fon nonr, mon onronye mon fon monl. J’on rongonrd lon plonfon son vonr qu’on mon donlonr… Ponrkon ! Ponrkon !*
*J'ai si froid, si froid. Je ne sais pas quoi faire. J'ai envie de mourir. Oh mes yeux sont en pleur, je ne vois plus. Je préfère la mort à Har-Maguéddon. Oh! Je sens le gouffre... C'est un gouffre à n'en plus finir. Partout l'infini, partout le Vertige, partout le dangereux! Dieu partout... Et la peur de décevoir, d'être jugé par les autres. J'ai peur... si peur... de mourir... maman... Oh le noir, mes oreilles me font mal. J'ai regardé le plafond sans voir que ma douleur. Pourquoi! Pourquoi!
– Lon non non ton ti fi con con ! Son bon ton lon fon ké i pu i !… Ju nu su plu… ju nu su plu…
– Fonx !
Fonx !
Fonx !
Que me dit-on?
... Je ne sais plus...je ne sais plus...
-
Feux!
Feux!
-
Feux!
Dion... Dieu sait que je voulais vivre…
MATIN
Royaume de Champgault, maison de repos :
[Lettre-carte postale de moi pour la Congrégation]
[Lettre d’un Frère]
[Lettre de moi au Frère]
[Lettre de ma mère]
[Lettre de ma mère]
[Lettre de mon petit frère]
[Lettre de ma petite sœur]
[Lettre d’un Ancien ]
[Lettre de ma mère]
...
ANNEXE 4
Aux Sabots de vent
Au Sabots de vent devant derrière
Toujours du vent derrière devant
Attelez-vous à la chanson
Voici attelée Tendresse
Qui trémousse ses fesses
Grosses comme une maison
C'est parti pour un tour de cariole
La jument de trait part au trot
Un deux- un deux – prout
C'est pas du bruit de casseroles!
Crotte sur la selle
Aux Sabots du vent
Il y a toujours du Vent
Du vent par derrière
Du vent par devant
Les sabots devant
Les sabots derrière
Aux Sabots du vent
Il y a toujours du vent
Du vent par derrière
Du vent par devant
Mais surtout par derrière
Le vent
Voici Tendresse
Et ses grosses fesses
Au devant du chariot
Et nous assis derrière
[Menée à la cravache]
Derrière son derrière
Sur le pas de Rimbaud
L'homme aux semelles de vent
On entend prout de temps en temps
Aux Sabots du vent toujours du vent
Sa maîtresse est chouette
Suffit qu'elle la fouette
Trois fois rien sur le dos
Et la jument de trait part au trot
Un-deux un-deux prout
Qu'elle belle journée d'août
Un-deux un-deux prout
On peut pas dire que ça fouette
Mais ça vente, pas de doute.