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Rimbaud passion
18 février 2015

Rimbaud passion ou les mystères d'Arthur (nouvelle version) premier chapitre

Jean Rimbaud

Stéphane Rimbaud

Stéphane de l'Anonymat

Aube de l'Étoile

 

 

 

 

 

 

 RIMBAUD PASSION

ou

LES MYSTÈRES D'ARTHUR

 

 

 

 

 

 

  «  Les pommes sont de l'amour le vrai signe

  Heureux celui qui de la pomme est digne  !

 Toujours Vénus a des pommes au sein.

 Depuis Adam désireux nous en sommes  :

  Toujours la Grâce en a dedans la main  :

 Et bref l'amour n'est qu'un beau jeu de pommes  »

                    Pierre de Ronsard, Les Amours, poème XXI

 

 

     De joie, je devins un opéra fabuleux

                    Arthur Rimbaud, «  éternité  », brouillons d'Une Saison en enfer, 1873)

 

 

I

 

Les mystères sont comme des hérissons  : ils sont meilleurs quand ils ont mangé des pommes  ! Les gens de Bohème friands de leur chair savent cela.

 

Belpomme, de son prénom Arthur, bienheureux retraité, avait fait un héritage qui lui permettait d'exercer une passion littéraire qu'il nourrissait presque entièrement à travers un poète bien connu: Arthur Rimbaud. Et s'il ne se présentait pas comme le détective de Rimbaud, c'était comme si son prénom le prédestinait à le devenir  ; toute sa personne l'indiquait, – d'où son surnom de commissaire Belpomme.

Entendons-nous bien, il ne s'agissait nullement d'un enquêteur contemporain du poète: il était bien ancré dans le XXIème siècle, même s'il avait une prédilection pour la littérature du XIXème. Pour lui, il ne s'agissait nullement non plus d'enquêter sur un crime hypothétique du poète précoce et fulgurant qui avait déclaré dans son oeuvre Une Saison en enfer: "Vite, un crime! Que je tombe sous la loi humaine" et plus tard dans ses Illuminations: "Voici le temps des assassins", ce qui sous-entendrait que son crime aurait été accompli et aurait été en réalité le motif caché de sa fuite loin de son pays, pour devenir un marchand d'armes dans le désert d'Abyssinie.

Oui, il y aurait bien là de quoi faire un roman, mais il ne le croyait coupable d'aucun crime, du moins de ceux qui auraient encouru les poursuites de la Loi et sa peine...

Arthur Belpomme, commissaire, enquêtant sur Arthur Rimbaud, "poète criminel", non, très peu pour lui. Il n'aurait pas davantage souhaité être son contemporain, non seulement parce qu'il est des mystères qui demandent un siècle au moins pour être élucidés, mais parce que les "petits mystères", vraiment dérisoires à l'aune d'un crime, étaient précisément les seuls qui faisaient ses délices et remplissaient son bureau d'étude de la plus grande aura de béatitude.

Il donnait lui-même un nom à chaque dossier placé sous les auspices du mot mystère: ainsi en avait-il intitulé un "Le mystère des trois Voyants fantômes" signé par le "commissaire Belpomme". En vérité, il comparait chaque mystère, pour le rendre plus palpitant, à un pépin. Et regardait-il ce fruit d'une manière superstitieuse par pure excentricité, provocation, conviction personnelle que la pomme contenait une substance propre à résoudre les mystères, ou le considérait-il simplement comme son "aphrodisiaque", ou était-ce par pur hasard, ou caprice? – toujours est-il que le commissaire Belpomme ne se départait jamais d'une pomme, il en avait toujours au moins une sur lui, comme Sherlock Holmes sa pipe. On aurait dit qu'il résolvait tous ces mystères en croquant des pommes!

 

Pour commencer, cette histoire raconte la résolution de son pépin préféré: "Le mystère des trois Voyants fantômes". Lorsqu'il avait inscrit ce titre sur son dossier, il s'était exclamé «  Ah! ça, c'est un pépin!  », avant de planter ses dents dans la chair ferme et succulente d'une pomme. Il avait émis un «  crunch  » puis un «  mmm  » de plaisir gustatif propres à éclaircir une nappe de brouillard, et qui allèrent frapper son esprit comme les quatre notes fondamentales ouvrant la 5ème symphonie de Beethoven, son compositeur préféré.

Pour lui, le "pom-pom-pom-pom" d'ouverture équivalait à un eurêka, ou à une dose de pomum. Et lorsqu'il avait résolu un mystère, soit il lançait un héroïque "pom-pom-pom-pom", soit il déclarait: «  cette enquête est aux pommes!  » – ce qui revenait au même.

 

Si on réunissait tous les livres sur Arthur Rimbaud, tout ce que l'on a écrit sur lui, cela remplirait combien de palox de pommes? Et toute l'encre que son oeuvre minuscule a fait couler, à combien de litres de jus de pomme cela équivaudrait? N'aurait-on pas l'impression de vouloir remplir un tonneau des Danaïdes si l'on voulait s'atteler au char du poète de Charleville-Mézières? Eh bien ce char ne contenait pas encore ce dossier, essentiel selon le commissaire, à la connaissance du Sieur Rimbaud, voleur de feu plus que de pommes...

Ce mystère des trois Voyants fantômes était réellement un pépin et aucun des rimbaldiens, des exégètes de tous poils ne l'avaient résolu avant lui – pour la simple et bonne raison que ce mystère n'existait pas pour eux. Nul n'avait encore vu ce qu'il y avait à voir, ce que le commissaire Belpomme voyait.

 

Pour être un enquêteur digne de ce nom il faut être costaud en logique, ce que le commissaire Belpomme n'était pas. Mais sa logique limitée se trouvait compensée par une imagination sans limites, servie par un don de mimétisme identitaire hors-pair. Était -il schizophrène  ? Était-ce son prénom, Arthur, qui était responsable de cette «  pathologie  » si on veut définir son cas ainsi? La légende arthurienne le passionnait aussi, mais il n'avait pas jeté son dévolu sur le mythique roi homonyme peut-être trop éloigné dans le temps. Il était entré dans la légende d'Arthur Rimbaud, non moins mythique, quoique moins populaire sans doute, en poussant la porte intime que lui ouvrait la plume intime de «  la mère fléau  » ou de «  la mère Rimb  », comme son fils égaré l'appelait. En effet, elle avait écrit, huit ans après sa mort:

 

"Hier, pour moi, jour de grande émotion, j'ai versé bien des larmes, et cependant, au fond des ces larmes, je sentais un certain bonheur que je ne saurais expliquer. Hier donc, je venais d'arriver à la messe, j'étais encore à genoux faisant ma prière, lorsqu'arrive près de moi quelqu'un, à qui je ne faisais pas attention; et je vois posée sous mes yeux contre le pilier une béquille, comme le pauvre Arthur en avait une. Je tourne ma tête et je reste anéantie: c'était bien Arthur lui-même: même taille, même âge, même figure, peau blanche grisâtre, point de barbe mais de petites moustaches; et puis une jambe de moins; et ce garçon me regardait avec une sympathie extraordinaire."

 

C'était juste ce qu'il fallait pour émouvoir au tréfonds de son âme le commissaire Belpomme. Que le miracle «  surnaturel  », «  d'outre-tombe  » («  je suis vraiment d'outre-tombe  » avait déclaré le poète) se mêla au mythe suffit à renforcer sa passion pour Arthur Rimbaud. Et celle-ci, associée au talent d'identification hors-pair dont nous avons parlé, avait poussé le commissaire Belpomme à créer un portrait du poète au pastel. Élucider un mystère, pour le commissaire, c'était être "voleur de feu" comme Rimbaud; mieux, c'était se faire à son instar quelque peu "Voyant" et par son regard posé sur le portrait, le poète était convié à participer à l'enquête.

 

L'autre protagoniste de cette histoire, Paul – Paul Delaroche – pendant ses congés était parti en voyage sur les traces du poète Paul Verlaine en vue d'un livre sur ses zigues. Rimbaud ne devait-il pas faire partie immanquablement du voyage?

Un soir, ayant été surpris par la nuit descendante, Paul se trouva au milieu d'une forêt de feuillus qu'il avait maintes fois traversée. Il était loin de toute ville, village ou hameau. Il avait été emporté par ses rêveries.

 

C'est l'extase langoureuse,

C'est la fatigue amoureuse

C'est tous les frissons des bois... récitait-il.

Un poème de Romances sans paroles, recueil de Paul Verlaine, bien sûr, datant de 1874, et que par conséquent son ex ami, et petit ami, dit-on, Arthur Rimbaud, n'a sans doute jamais lu, vous saurez pourquoi, si vous ne le savez déjà – surtout si vous vous comptez parmi les «  fan  » ou connaisseurs de l'un ou de l'autre.

 

Paul – Delaroche, il va de soi – décida de marcher tout droit sur la route. Il tomberait bien sur une maison éclairée.

Il marcha une heure sans rien voir que la nuit, les découpures noires des arbres balancés par le vent  ; il n'entendait que le hululement des chouettes et des bruits sauvages auquel le vent n'est pas étranger.

Il vit enfin une lumière autre que celle des étoiles, de la lune et des lucioles, alors que la fatigue l'envahissait et...

... et il sonna.

Une porte s'ouvrit. Il rencontra un homme enfin. Il le fallait bien. Les rencontres sont le sel de la vie. Mais là, lorsqu'il sut le nom de son hôte, Paul ne put ne pas voir en eux deux réunis un écho bizarre du couple Paul Verlaine-Arthur Rimbaud. Et il en fut de même pour Arthur Belpomme.

  • Paul  ? Comme Verlaine  ? Qui rencontre un Arthur, comme Rimbaud. Tiens, tiens, original. Vous croyez au hasard  ?

  • Non.

  • Moi non plus. Voilà comment des égarés deviennent bêtes du bon Dieu. Et vous m'avez dit que vous êtes voyageur. Et puis-je savoir la quête de votre voyage ici dans la forêt domaniale de la Croix en Bois?

  • J'étais sur le chemin de Juniville.

  • Ha  ! Ha  ! Ha  ! Là où vécut Verlaine à la fin de sa vie  et non loin d'ici, en effet. Et, en effet, vous vous êtes vraiment égaré... mais pour le meilleur  ! Alliez-vous par hasard au Musée Verlaine  ?

 

 

  • Je comptais m'y rendre, c'est vrai, avant d'aller aux lieux de pèlerinage de Rimbaud. C'est que j'ai en projet une biographie sur Verlaine.

  • Vous serez bien accueilli par le pur verlainien qui tient le Musée Verlaine en tant que guide, mais un guide vraiment habité par votre homme. Quand on lui demande s'il est fan de Verlaine, il répond «  oui, mon fils s'appelle Arthur  ». Par ailleurs, il se plaît à remettre Arthur à sa place  : poète précoce, Paul Verlaine le fut autant que lui et surtout avant lui, – lui qui n'était que de dix ans son aîné, alors que l'image populaire lui donne facilement vingt ans d'écart  , voire plus. Les bagarres entre les amoureux de Verlaine et ceux de Rimbaud sont parfois rudes, comme il dit. C'est un fou de Verlaine comme je suis un fou de Rimbaud. Sa vision est bien arrêtée, il n'en démordra pas, mais c'est je crois la meilleure personne que vous puissiez rencontrer pour votre livre. Il est chaleureux, à de la tchatche, comme on dit, connaît son homme en long en large et en travers et a une telle force de conviction... Un passionné, quoi... Vous êtes verlainien, donc  ?

  • Pas vraiment, je m'y intéresse, c'est tout.

  • Mmh. Excellent. Moi non plus, je ne suis pas rimbaldien. Rimbaud me passionne, c'est tout. Mais les batailles de chapelles ne m'intéressent pas.

En vérité, Paul Delaroche avait toujours eut une affinité particulière avec Arthur Rimbaud, et non Paul Verlaine. Il n'avait préféré ne rien en dire au commissaire Belpomme, pas tellement parce que les batailles peuvent être aussi dures entre «  rimbaldiens  » et qu'il voulait éviter les conflits, mais il voulait être en position d'élève qui a tout à apprendre du maître qui s'avérait un passionné de Rimbaud – le premier et le plus grand qu'il ait rencontré à part lui-même. Et même, pour tout vous dire, à la vérité, non seulement il était lui aussi passionné par Rimbaud – ce qui lui fit bondir son cœur de joie devant les présentations de son hôte – , mais l'objectif de son voyage était d'aller sur les traces de Rimbaud, dans les Ardennes, voyage qu'il avait projeté de faire déjà dix ans auparavant à la suite de ses pérégrinations à Paris et dans le Valois, sur les traces d'un autre poète cher à son âme  : Gérard de Nerval. Manque de temps pour enchaîner avec les Ardennes, il devait revenir chez lui faire une saison dans les pommes...

Mais, perspicace lecteur, vous vous demandez peut-être pourquoi notre héros se trouvait là où avait habité Verlaine, et non à Roche, plus au nord, ou à Charleville-Mézières  ? Il avait décidé de commencer par là, la station la plus au sud, touchant la présence de Rimbaud et de Verlaine dans les Ardennes. Il comptait ensuite passer à Roche, Charleville-Mézières, et peut-être faire un saut en Belgique.Mais arrivé à Réthel, il s'était égaré...

Le commissaire, clairvoyant, ça ne lui avait pas échappé, la menterie de Paul  ; et Paul le savait. Il y avait eut une étrange connivence entre les deux hommes.

Le commissaire Belpomme était basané, il avait des yeux bleus entourés de blanc ivoirin. C'était une vraie girafe! Sa maison s'avérait modeste, un lieu de rêveur, un lieu qui fait rêver et je ne donnerai aucun autre élément reconnaissable de son lieu de vie ou de son physique.

Ils avaient jusque là parlé sur le palier, leurs paroles ponctuées par des hululements.

Entrez donc, Paul. Vous êtes ici comme chez vous.

Paul entra, enchanté, réalisant mal, vivant comme un conte de fée. Remarque, il s'était senti vivre une féerie, aussi, lorsqu'il avait marché sur un tapis d'anémones dans la forêt domaniale de la Croix aux Bois, parmi les bouleaux.

Là, il se sentit tout de suite à l'aise, comme à la maison.

Avec grâce, le commissaire lui offrit une infusion dans son salon d'un grand raffinement au sein de sa simplicité. Il était délicatement embaumé d'effluves de pommes. Confortablement installé dans un fauteuil XIXème, d'époque Restauration, en acajou de Cuba, recouverts d'un beau velours vert Empire, Paul faisait face au commissaire dans son fauteuil conjoint, une table à thé entre eux.

Levant les yeux, il remarqua un curieux portrait accroché au mur.

Lorsqu'il le reconnut, il s'exclama:

"Enfin je vois Rimbaud vivant!"

Il se rendit compte juste après qu'il avait été trahi par sa passion, mais cela se résolut par un sourire complice avant que le commissaire réponde  :

  • C'est un Arthur haut en couleurs, oui! J'ai juste peint d'après la célèbre photo de Carjat datant de 1871, l'année de son chef-d'oeuvre sans doute le plus célèbre  : Le Bateau ivre! D'après cela, oui, et le témoignage d'un ami le décrivant comme un Peau-Rouge!...

Il se mit à rire.

  • Enfin qu'il avait la peau rouge comme une pomme, précisa le commissaire.

Cela mit Paul à l'aise, tout en le surprenant.

Il contempla à nouveau le portrait. Le miracle était là. Il pouvait voir ses yeux, et non plus seulement un regard. Il pouvait voir la couleur de sa peau et de ses cheveux, comme en vrai.

Il entendit un «crunch  » à côté de lui et, comme une réponse à ce bruit typique de la reine des fruits (en Occident), il dit:

  • Il devait être un grand mangeur de pommes...

  • Pour sûr! répondit le commissaire. «  Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures... récita-t-il dans un élan lyrique. Et à quoi voyez-vous cela, mon cher?

  • À son teint rose et frais, dit Paul.

  • Cela se tient. Et il est pertinent de dire que sa peau est plus réellement rose que rouge. Mais on pourrait aussi bien dire qu'il était un grand mangeur de carottes! Enfin! comme nul n'a dit qu'Arthur avait les cuisses roses et comme il a parlé de pommes et non de carottes dans le vers...

Ses yeux s'éclairèrent et il dit en riant:

  • D'ailleurs, que je sache, il y a des vers dans les pommes et pas dans dans les carottes!

Paul se dit que c'était faux, mais il ne releva pas. Le commissaire reprit son sérieux et dit:

  • En tant que... ver-lainien, vous devez sans doute connaître le tableau de Fantin-Latour...

  • Un coin de table? Si je ne le connaissais pas, que ferais-je ici?

  • Ce tableau date d'un an après la photo de Carjat et pourtant, Arthur y est très différent. Comment expliquez-vous cela?

  • Oui, c'est vrai. On ne peut pas dire la même chose de Verlaine qui se tient debout à sa gauche. Ni sans doute des six autres personnes. Arthur se détache, comme s'il était un étranger autour duquel le peintre aurait organisé son tableau.

  • Pertinent! Arthur était le nouvel arrivant dans ce groupe des Vilains-Bonhommes. Et la lettre de Léon Valade, l'un de ses membres correspond à ce tableau, est éclairant  sur son importance!

Le commissaire se mit alors à déclamer:

«  Pour augmenter vos remords de n'avoir point assisté au dîner des Vilains-Bonhommes, je veux vous apprendre qu'on y a vu et entendu pour la première fois un petit bonhomme de 17 ans, dont la figure presque enfantine en annonce 14, et qui est le plus effrayant exemple de précocité mûre que nous avons jamais vu. Arthur Rimbaud, retenez ce nom qui (à moins que la destinée lui fasse tomber une pierre sur la tête), sera celui d'un grand poète. – «  Jésus au milieu des docteurs  », a dit d'Hervilly. Un autre dit: «  C'est le diable! – ce qui m'a conduit à cette formule meilleure et nouvelle: le diable au milieu des docteurs...  »

  • Fantin lui donne plutôt l'air d'un ange... remarqua Paul étonné par la mémoire de son interlocuteur.

  • Le tableau de Fantin-Latour, commenta le commissaire Belpomme, nous donnait une belle image dans sa pose et dans son flou, mais elle manquait de réalité. Je veux dire, elle donnait une image du poète, du génie précoce caressé par la Muse, la main sous le menton, alors que là... c'est Arthur Rimbaud tel qu'en lui-même!

Il avait raison, Paul s'en rendait compte. Il faisait face à Arthur Rimbaud «  tel qu'en lui-même  » sans fard et sans fond allégorique. Le commissaire alla même jusqu'à s'adresser au portrait en disant qu'il était «  trop 'gnon  ». Quel homme! (Il va vous falloir vous accoutumer à son humour, si vous voulez continuer cette lecture qui se promet riche en âme et en savoir – et en humour...)

 

Arthur et Paul, assis l'un en face de l'autre, parlèrent encore longtemps en mangeant du potage, du pain et du fromage. Le commissaire Belpomme était intarissable sur la vie d'Arthur Rimbaud et Paul, fasciné par son érudition l'écouta attentivement.

Sa mère Vitalie Cuif, aride comme les Ardennes, éleva seule Arthur, son frère aîné Frédéric et ses deux petites soeurs Vitalie et Isabelle. Vitalie remplaça un an plus tard une soeur homonyme morte à trois mois lorsqu'Arthur avait trois ans. Leur père, Frédéric Rimbaud, fut absent autant qu'ardent: il s'engagea dans l'armée pour n'en sortir qu'à sa retraite. Il avait fait la campagne d'Algérie et n'avait cessé de monter en grade jusqu'à devenir capitaine deux ans avant la naissance d'Arthur. Les fugues d'Arthur et sa seconde vie misérable et mythique entre Aden et Harar où il devait faire oeuvre de marchand d'armes était-elle une tentative inconsciente pour se rapprocher de son père?

«  N'aurait-il été qu'un homme errant dans les "Déserts de l'amour", titre d'un de ses poèmes en prose émargé des Illuminations, ou plutôt un homme déserté par l'Amour jamais ressenti de la part de sa mère qui était bien faite non seulement à l'image de la sécheresse de sa terre, mais aussi à celle de l'austérité et la sévérité instaurées par Thiers, dont la religion catholique servait les intérêts? C'est pourtant à cette mère ayant fait de son mieux qu'Arthur, au sein du désert (souvent plus moral que physique), ne cessa d'écrire ces lettres émouvantes du sable aspirant à l'oasis. Et il ne faut pas perdre de vue que ces lettres sont écrites à des moments où il en ressent le plus besoin. Certes, aussi des besoins pragmatiques, comme dans ses commandes de livres, mais essentiellement besoins psycho-affectifs  : besoin d'identité, besoin de racines, lui l'exilé, besoin de se vider un peu  ; sa mère et sa sœur Isabelle font partie de ces rares personnes auprès de qui il peut s'épancher. Sa vie est toute accaparée par son travail qu'il a enfin trouvé, mais à quel prix  !

«  Pour ce qui est de son père, il ne reverra jamais, – du moins sur cette terre. Celui-ci avait quitté sa femme et ses enfants en 1860, il avait trouvé la mort en 1878 à Dijon alors que son fils Arthur était à Gênes, attendant une embarcation pour Alexandrie. Il apprendra ce décès plus tard et on cherchera vainement une allusion à celui-ci dans ses missives.

«  Estropié suite à un cancer osseux, Arthur Rimbaud reverra les siens émus devant sa souffrance, et – si on en croit Isabelle qui est la seule vraiment de sa famille a témoigner et à répondre aux questions d'hommes de lettres commençant à s'intéresser à ce mythe qui ne va cesser de grandir  : sa sérénité dans ses derniers instants, les moments «  de grâce  », ces extases vécus à travers ses improvisations d'illuminations poétiques et mystiques toutes trempées de son contact avec le désert, les tribus, le Coran... étaient particulièrement émouvants.

«  C'est à Marseille qu'il se trouve paralysé et n'ayant qu'une hâte: repartir! C'est à Marseille qu'il embarquera pour son dernier voyage, après qu'il eut écrit sa dernière lettre où il totalise 12 dents de perdues et où il exprime son désir au directeur des Messageries maritimes de rentrer au service d'Aphinar à Suez. Il lui dit instamment, ultimes mots écrits: «  Dites-moi à quelle heure je dois être transporté à bord...  », – comptant partir le jour même. Il meurt à 10h du matin, le 10 novembre 1891, sans "A R", Accusé de Réception...  »

Le commissaire Belpomme se retourna vers le portrait d'Arthur et enchaîna:

«  On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans... 

«  Sur ce portrait, Arthur avait 17 ans.

«  On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans...

«  Lorsqu'il écrit cela, il en avait 16...

 

«  Nuit de juin! Dix sept ans! – On se laisse griser.

La sève est du champagne et vous monte à la tête...

On divague; on se sent aux lèvres un baiser

Qui palpite là comme une petite bête...

 

«  Ceci, mon cher Paul, est extrait du poème "Roman". Et un an plus tard, à Charleville il écrivit Le Bateau ivre, peu de temps après la Semaine sanglante qui eut lieu du 21 au 28 mai 1871 à Paris. Il fut peut-être témoin de la débâcle communarde et des bombardements. Cependant la plus grande part de son être se réfugia dans la poésie et il envoya deux lettres de Charleville, la première à son professeur George Izambard datant probablement du 13 mai 1871 et la seconde du 15 mai, nettement plus longue, destinée à Paul Demeny, poète et ami d'Izambard. Toutes les deux ont des points communs: elles contiennent des poèmes en leur sein; elles parlent de "voyant", elles manifestent autant l'ambition qu'une soif de reconnaissance de sa qualité de poète, qui par un poète parnassien de renom  : Théodore de Banville  ; qui par un poète qui en tant que poète est aujourd'hui totalement oublié  : Paul Demeny  ; qui par son cher professeur Georges Izambard, si important dans sa formation, mais avec qui il prit des distances – celui-ci trop académique à ses yeux et incapable de comprendre sa poésie après Le Bateau ivre. Ce professeur s'en expliquera dans ses souvenirs. Enfin, ces deux lettres dites «  du voyant  » précèdent et annoncent l'aboutissement flamboyant que sera Le Bateau ivre, un nouveau commencement incarné par "Les vers nouveaux et chansons" de 1872, et même la fin prochaine de sa carrière poétique.

«  Celle-ci sera précipitée par un coup de revolver, le 10 juillet 1873, donné par le poète Paul Verlaine, son aîné de dix ans. Ce drame sera déclencheur de ce qui se profilait à l'horizon: l'écriture D'une saison en enfer écrit entre avril et août 1973... euh...1873! Pardon de cet anachronisme, – une bombe littéraire qui, seule oeuvre publiée de son vouloir – on serait tenté de dire "de son vivant" – porte la marque d'une crise spirituelle, d'un chambardement intérieur. Il est le témoignage acerbe et angoissé - avant la délivrance finale dans la section «  Adieu  » – de son cheminement poétique auquel il annonce mettre un terme dès l'entrée:

 

«  Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s'ouvraient tous les coeurs, où tous les vins coulaient.

Un soir, j'ai assis la Beauté sur mes genoux. – Et je l'ai trouvé amère. – et je l'ai injuriée.

 

«  La trajectoire le mène droit au désert de façon prémonitoire dans la conclusion de l'oeuvre. Ah! Mais j'anticipe. Je parlais du poème Roman, et je vous déroule le roman d'Arthur...  Un an après ce poème, en 1871 donc, on trouve sous sa plume une inspiration fort différente. Prenons ce quatrain:

 

«  Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures,

L'eau verte pénétra ma coque de sapin

Et des taches de vins bleus et des vomissures

Me lava, dispersant gouvernail et grappin.

 

- Le Bateau ivre! l'interrompit Paul, malgré lui.

- Oui, reprit le commissaire Belpomme, imperturbable, ceci est le cinquième quatrain du Bateau ivre qui en totalise vingt cinq. On voit que l'ivresse n'est pas la même. Dans le premier, l'ivresse du vin est mise en rapport avec l'ivresse d'un baiser, l'inverse étant tout aussi vrai. Dans le second, les taches de vins d'une couleur inhabituelle participent à autres ivresses, celles d'un bateau en dérive sur la mer, et celle de l'ivresse métaphorique du poète sur le poème ou la poésie, comme nous l'apprend la suite:

 

«  Et dès lors je me suis baigné dans le Poème de la Mer...

 

«  Le poème devient totale ivresse  :   ivresse des couleurs, ivresse des images, ivresse du mouvement du poème devenant mer – une mer dont chaque quatrain serait une vague – ivresse des scansions en début de quatrains: "je sais", "j'ai vu", "j'ai rêvé", "j'ai suivi", "j'ai heurté", à nouveau "j'ai vu", ivresse du Bateau, la mer soûle, océan de vin, appelant le vomissement à bord ou par-dessus: tenez, toutes les pommes du commissaire Belpomme renvoyées à la mer! (il rit de son incision impromptue). Et le poète qui a vomi tant de vers s'écrie:

 

«  L'âcre amour l'a gonflé de torpeurs enivrantes

Ô que ma quille éclate! Ô que j'aille à la mer!"

 

«  Le poète se rend:

 

«  Je ne puis plus, ô lames...

 

«  Le poète échoue sur la rive après que l'ivresse soit passée: il a la gueule de bois métaphysique.

«  Il nous fallait passer par cette dérive nous aussi pour aborder le Mystère du Voyant et ses trois voyants fantômes. Tout ce cheminement n'a d'autre but que de mieux saisir le pépin. Mais prenez le mot "voyant" comme un pépin, et vous digérerez mieux la compote, si vous considérez que l'on ne fait que tourner autour du pot.  »

 

Sans vouloir vexer le commissaire le moins du monde, tentant au mieux de marcher sur des œufs, mais se voulant honnête, Paul se risqua à répondre:

  • Moi ce qui m'intéresse, c'est le mystère des trois Voyants fantômes...

  • Ah bon? Je vois  ! Vous êtes sans doute de ceux qui séparent l'oeuvre de la vie et la vie de l'oeuvre, comme on sépare en l'oeuf le blanc du jaune et le jaune du blanc.

  • Pardon, je ne voulais pas vous irriter, et je me sens un peu sot.

Ne sachant plus où se mettre, il dandina, les mains dans les poches et cherchant de l'aide, son regard divagua dans la pièce, quand soudain il croisa celui du portrait d'Arthur Rimbaud, et il se prit à s'adresser à lui, comme s'il pouvait lui être secourable :

  • Que dois-je faire Arthur, roi des poètes?

Le commissaire saisissant la perche s'amusa de répondre avec une voix transformée :

  • Être l'assistant du commissaire Belpomme pour résoudre les énigmes, les mystères qui me concernent.

  • Là, c'est pour ma pomme... dit Paul, sans vouloir faire de l'humour, la mine déconfite. Il ne se sentait pas à la hauteur.

  • Considérez-le comme un honneur, fit Arthur en lui tapant amicalement sur l'épaule. Tu vas concourir à éclairer un point noir du tableau, à lever le voile sur ce que cache les Lettres dites du Voyant.

  • Chouette  ! Mais comment, dites-moi  ?

  • Lisez ces Lettres, saisissez-en l'esprit et repérez les points clés.

Paul soupira comme un élève devant une corvée scolaire.

  • Courage, Paul  ! fit le commissaire, mi professoral mi paternel, toujours dans sa peau d'Arthur.

  • Bon... C'est bien parce que c'est toi... dit Paul en regardant le portrait.

L'excentrique commissaire Belpomme était fou de joie, et se tournant vers son nouvel assistant, il déclara :

  • Oh! Bienvenu Paul, je suis heureux et fier de trouver en vous un assistant. Je ne doute pas que vous pourrez m'aider de vos lumières. Vous me tiendrez compagnie et me servirez aussi de témoin dans mes recherches... nos recherches! Voyez-vous, il me manque de la logique. Arthur en a, mais il se mêle le moins possible de mes enquêtes.

  • Mais je suis minable en logique, opposa Paul.

 

Lecteur, il me faut faire ici une parenthèse assez conséquente pour vous préparer à l'humour du commissaire Belpomme, très particulier, du genre déroutant, si vous voyez ce que je veux dire. Paraphrasant un célèbre proverbe, je dirai  : «  œuvre préparée, œuvre à moitié appréciée  ». Et comme arrive incessamment sous peu – gueule grande ouverte – le plus beau spécimen d'humour belpommien qu'on puisse servir, et pour vous donner toutes les chances de franchir ce cap crucial – décisif, celui qui sans bonne préparation peut vous stopper net dans votre lecture, alors que le Jardin des Hespérides est derrière, j'ai concocté une petite préface rien que pour vous.

 

 

 

AU LECTEUR RIEN QUE POUR MOI

 

Un manuscrit fort curieux a été trouvé dans un verger  ; enterré à un mètre sous sol au pied d'un pommier, il se trouvait enveloppé à l'intérieur d'un coffre sur lequel était inscrit une croix et les initiales «  AR  »  .

La découverte de ce mini «  cercueil  » en ce lieu insolite fut bientôt justifié à sa lecture, mais elle n'en reste pas moins drôle.

Le manuscrit couvert d'une écriture non appliquée – comme d'un enfant – ne me posa bizarrement aucun problème de déchiffrage et son contenu me plut assez pour que je veuille le partager en dépit ou à cause même de son humour assez spécial, il faut le dire, et qui pourra dérouter le lecteur qui a du mal avec ce genre de traits enfantins, ces grands écarts faits soudainement alors que le fond est sérieux. Cela trouve une solide explication, on le verra plus loin, mais disons tout de suite que si le lecteur goûte peu ou prou les excentricités, s'il ne peut les accueillir avec son âme d'enfant, inutile qu'il aille plus loin – il se ferait mal.

D'aucuns trouveront que cet humour sporadique et décalé nuit à un fond intéressant  : il traite avec beaucoup de pédagogie de l'oeuvre et de la vie d'un homme célèbre – en l'occurrence de celui qui orne le titre  – et on est plongé dans une passionnante enquête qu'on aurait voulu moins fantaisiste et surtout pas délirante. Quant à moi, je ne m'en cache pas, son humour qu'on pourra juger «  de mauvais goût  » m'a fait éclaté de rire.

Il se peut que ça ne fasse pas le même effet sur le plus grand nombre et que ce récit débarrassé de toutes ses «  scories  » humoristiques aurait trouvé plus de lecteurs. Il ne m'a honnêtement  , et en toute conscience, pas été possible d'en offrir une version «  expurgée  ». Même si je n'ai pu m'empêcher de me dire parfois des «  C'est vraiment trop naze  », tout en éclatant de rire de plus belle, surtout que j'eus un flash  : l'auteur donnant à lire à sa compagne folle amoureuse de lui ce roman qu'elle idéalisait autant que son chéri, et sur lequel elle projetait forcément un «  best seller  » – et je fus par là comme témoin de l'hallucination de sa lectrice, son visage s'allongeant, effondrant par là-même ses espoirs (le comique de situation fut plus fort que ma compassion...) Était-ce la raison pour laquelle il enterra son petit roman  ? Car le verdict de sa chérie lui valut sans doute aussi une cuisante déception.

 

Rimbaud passion ou les mystères d'Arthur paraît parfois parodier le roman policier ou le roman à suspense, prenant des allures d'enquête «  à la noix de coco  » mené par un enquêteur à la «  mords-moi-le-noeud  », mais son partenaire pas si noeud-noeud qu'il en a l'air mordra à l'hameçon, tout comme nous, pour peu qu'on soit disposé à ce genre de divertissement littéraire. Mais, on y apprend des choses. S'il y en a qui désirent apprendre des choses avec le plus grand sérieux, c'est leur problème, pas celui de l'auteur un brin «  farceur  ». Entre parenthèse, ceux qui aiment les jeux de mots (ils sont nombreux en rapport avec les pommes) seront servis. Du sérieux et de l'émotion, il y en a aussi  : l'enquêteur parle avec passion et émotion de la vie d'Arthur Rimbaud. Il a aussi l'art de différer des révélations pour parler du poète voyant.

Rimbaud passion ou les mystères d'Arthur est un beau voyage littéraire, surtout dans le XIXème siècle, et une belle manière d'aborder l'oeuvre et la vie de Rimbaud, si intimement liés. L'auteur n'est pas dans une adulation rimbaldienne et le plus grand cadeau qu'il fait à Rimbaud et au lecteur est sans doute de mettre de la légèreté et du rire sur une œuvre et son auteur globalement pas rigolos ni légers.

Rimbaud passion ou les mystères d'Arthur est un roman théâtral dans le sens où le commissaire Belpomme, lui-même personnage théâtral, fait des mises en scène pour chaque rendez-vous avec son hôte – Paul Delaroche, que je présume l'auteur de ce livre – devenu partenaire dans son enquête qui peut être mise au pluriel. Ces mises en scène (qui ont pour témoin un mystérieux tableau) tournent autour de la pomme – motif récurrent, objet «  conducteur  » pour ne pas dire «  fil  », objet ritualisé, et enfin objet comique  : on peut dire qu'à chaque fois qu'elle est évoquée on peut être sûr que c'est pour apporter du rire (combien même cela ne ferait pas rire tout le monde – ou même personne sinon moi), enfin la pomme apporte, ou est censée apporter une détente, une respiration. Sauf à la fin où elle va devenir sujet d'étude à part entière à travers un poème de Rimbaud. La pomme comique et ludique va devenir objet de connaissance. On comprend alors qu'enlever tout l'humour «  déroutant  » ce serait enlever la pomme au cœur de l'oeuvre et à l'oeuvre pour devenir ce qu'  elle devient à la fin. On peut dire que si l'humour déroute, sa présence tient la route, et celle-ci ne pouvait être qu'humoristique – du moins dans un premier temps..

Tant pis si des critiques me balancent des «  pommes pourries  » pour avoir publié ça.  J'espère que ce ni best-seller ni chef-d'oeuvre – mais qui est loin d'être un navet, je pense – en réjouira quelques uns comme moi et trouveront cette «  facétie  » délicieuse  et croquante comme une pomme.

Et si ce roman qu'on jurerait presque du XIXème siècle était de la main de Rimbaud réincarné retrouvant son âme «  zutique  »  ?

 

 

Bien, nous voilà fin préparés – c'est du confit – pour savourer maintenant cet échantillon anthologique de l'humour Belpommien.

Le Commissaire répondit au «  Mais je suis minable en logique  »  de son désormais associé:

  • Vous avez deux pommes: pomme Prouti et pomme Prouta qui sont dans un bateau, pomme Prouti tombe à l'eau. Qu'est-ce qui reste? fit le commissaire avec animation.

  • Pomme Prouta... avança Paul amusé et embarrassé à la fois.

  • Vous voyez, en logique, vous êtes meilleur que moi! Moi j'ai répondu Pomme Prouti. C'est à cause de la terminaison en i. Ça m'a fait tout de suite pensé à "clafoutis" et comme j'adore les clafoutis – aux pommes bien sûr, car qui dit "clafoutis", un vrai, dit "pomme"– je ne voulais pas qu'il tombe à l'eau. C'est une autre logique, vous allez me dire, eh bien parions que la vôtre et la mienne feront bon ménage.

  • D'accord, commissaire Belpomme, fit Paul, comme alléché par la perspective d'un clafoutis.

  • Et maintenant faites la lecture que le roi Arthur vous a demandé de faire et laissez reposer tout cela durant votre sommeil.

  • Entendu, commissaire Belpomme.

 

Clafoutis ou pas, la passion l'avait revigoré.

Le commissaire Belpomme lui offrit son toit pour dormir, lui prépara la chambre d'ami pour se reposer le corps et l'esprit. Il était temps! Il commençait à bâiller sérieusement, à lutter contre la chute définitive des paupières sur ses yeux rougis et piquants.

Au moment où le «  comment allait-il pouvoir lire les lettres  » pointa dans son esprit, le commissaire Belpomme présenta à Paul un volume des oeuvres complètes de Rimbaud dans la collection de la Pléiade. Il fut stimulé comme par un café fort. Il put voir sur le carton d'emballage la photo de Rimbaud par Carjat et leva à nouveau les yeux sur le pastel. Il mesura la différence, ce qui ne pouvait se deviner d'après la photo.

  • Si jamais vous avez encore de la force, lisez avant de dormir les Lettres du Voyant, dit le commissaire.

  • Oui. Merci, Monsieur...

  • Vous pouvez m'appeler Arthur. Bonne nuit, Paul.

  • Bonne nuit, Arthur.

 

Paul, sous l'effet de la caféine rimbaldienne, lut les deux lettres du Voyant, c'est à dire sept pages, et tomba dans le sommeil comme une pomme mûre tombe au sol.

 

*

 

J'en profite, avant qu'il ne se réveille et que nous abordions un nouveau jour, pour vous annoncer, lecteur cher à mon cœur, que chaque jour est incarné par un numéro de chapitre, mais qu'il faut encore donner comme ci-dessous quelques titres de repérage. Ainsi on passe de l'introduction à l'enquête proprement dite du Mystère des trois voyants fantômes, première grande étape du livre qui occupera plusieurs jours, donc plusieurs chapitres, vous l'avez compris, Dieu merci!

 

 

 

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