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Rimbaud passion
15 janvier 2018

Paul au pays de Rimbaud et Juliette (dernière version - Chapitre 10)

 X

 

OÙ PAUL ERRE SUR LA PLACE DUCALE, PUIS ENTRE LA PRÉHISTOIRE ET L'HISTOIRE DES ARDENNES

 

 

Arthurus ursus, Paulus erratus

Arthur « ours », Paul erre...

(inscription imaginaire)

 

 

 

Du parc, Paul passa devant le Musée Rimbaud qu'il avait hâte de visiter. C'était d'ailleurs le premier lieu qu'il devait visiter selon lui pour donner corps à son roman. Car en cet endroit se trouvaient entre autres conservées – précieuses reliques, précieux témoignages – toutes les affaires de Rimbaud d'Afrique, dont sa valise ; et Paul espérait y trouver quelque trace de son serviteur et ami Djami, puis voir de l'écriture en amharique (écriture éthiopienne).

Mais le Musée n'ouvrait ses portes que deux heures plus tard.

Paul se rendit donc Place Ducale, cette grande et fameuse place calquée sur la Place des Vosges à Paris qu'il avait vue une dizaine d'années auparavant, lorsqu'il était sur les traces de Gérard de Nerval et dont il avait pris une photo au crépuscule faisant ressortir toutes les couleurs chaudes des pierres. Paul fit le tour de la Place « jumelle » et pourtant extrêmement originale. Et aurait-elle été « le clone » de la Place des Vosges, placée sous le climat des Ardennes et de Charleville en particulier, elle serait unique.

D'abord la place des Vosges ne donnait pas ce sentiment de grand espace, transformée qu'elle était en jardin à la française, entre allées gravillonnées et motifs de verdure. La place Ducale était pour ainsi dire toute nue, entièrement pavée, et l'on pouvait presque entendre les bruits de sabots et de carrioles du temps de Rimbaud. De plus, si les façades étaient duelles comme celles de la place des Vosges, le rouge des briques se mélangeait à une pierre locale, la célèbre «pierre jaune» appelée «Pierre de Dom» provenant des carrières de Dom-le-Mesnil, située entre Charleville-Mézières et Sedan, sur la rive gauche de la Meuse. Enfin, elle devenait la place enchantée lorsque sonnait le carillon féerique, et cet enchantement était parvenu jusqu'aux oreilles de Paul dans sa tente, qui le matin-même s'était demandé d'où provenait cette petite musique magique.

De ce joyau de géométrie et de symétrie construit selon la règle de 4 (4 travées, 4 baies à chaque étage, 4 lucarnes et 4 oculi sur le toit), Paul examina chaque vieille enseigne, parfois illisible. Il imaginait ici, sous les arcades du pourtour devenant très animées les jours de marché, Arthur, son frère et ses deux soeurs à côté de leur mère pour acheter du poisson sur un étal.

D'aucuns prétendent que Rimbaud hante la place certains matins hivernaux où le brouillard traîne, circule dans les galeries, là où à grandes enjambées sa silhouette passe, légèrement voûtée.

Tout est bon pour attirer les touristes et séduire leur imagination. Alors les légendes forcément ! Même Paul sachant la frilosité d'Arthur, qui rendait peu crédible ces hivernales déambulations – combien même elles seraient celles de son esprit, donc insensible au froid – semblait disposé à tomber dans le panneau. Du moins, il avait été séduit.

Paul compta les arcades de la galerie, déambulatoire profane qui fait pour ainsi dire le tour de la place aux couleurs chaudes.

Paul en fixant longtemps les façades vit des visages. Il nota dans son carnet : « Arthur a dû voir comme moi les maisons cantatrices de la place Ducale et en rire. Deux petits yeux « fenêtres-hublots » aux deux extrémités du toit en sa base, une bouche de brique au milieu : petite bouche cerise grande ouverte. On dirait un bec, oui. Ces maisons peuvent être vues comme des oisillons. Combien y a t-il d'oisillons ? J'en compte douze et un treizième borgne. »

C'est sûr que ça n'aurait rien à faire dans son roman Rimbaud passion ou les mystères d'Arthur !

Plus tard, Paul trouvera que le Musée Rimbaud, vu du pont, ressemblait à une tête de gorille ou de babouin... Mademoiselle Babouine ?

 

Paul en ce haut-lieu historique de Charleville, en profita pour satisfaire son âme quelque peu touristique ou curieuse.

L'acte de naissance de Charleville date de 1608 et ce fut une ville nouvelle qui se développa sur le domaine d'Arches, présent dès l'époque mérovingienne. Le nom de Mézières date, lui, du début du Xème siècle et devint la contrastante voisine militaire de la commerciale Charleville. Mais le lieu-dit le Bois d'Amour que Rimbaud appréciait beaucoup témoigne d'habitats ruraux entre le Ier et VIIème siècle ; le territoire est jonché de cimetières, dont celui de Saint-Julien. Des vestiges plus anciens ont été exhumés de l'époque romaine , tel le " Gué des romains " qui traversait la Meuse, telle l'applique de bronze à tête de Méduse trouvée tout à côté dans la plaine de Warenne. Vestige des vestiges de l'époque gallo-romaine, vestige prestigieux : une statuette est conservée au musée de Cluny à Paris, celle de la déesse amazone Diana-Arduinna, carquois en bandoulière, cavalant sans tête à dos de sanglier, symbole de la région hantant la forêt. Vestiges de l'époque préhistorique, enfin, témoignant de la chasse active sur le territoire : à Dommery, au sud-ouest de Charleville-Mézières, un morceau de fémur de mammouth d'il y a quarante mille ans, quand erraient des hommes de Néandertal dans la toundra glacée.

Romanisation, christianisation, modernisation, on pourrait tout parcourir, même la ville occupée par la Croix-gammée... mais tel n'est pas à vrai dire le but de ce récit.

Dérive rapide, cours maîtrisé, retour prompt...

 

Ai-je dit que Paul avait emporté sa guitare avec lui ? Il la laissait la plupart du temps dans sa tente, voulant déambuler léger. Comme il n'était pas loin du camping, il alla chercher sa compagne de voix et de voyage. Est-ce le carillon qui lui avait insufflé ce désir de chanter Place Ducale ?

 

 

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