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Rimbaud passion
15 janvier 2018

Paul au pays de Rimbaud et Juliette (dernière version - Chapitre 27)

 XXVII

 

OÙ PAUL FAIT UNE SECONDE VISITE GUIDEE

SUR LES TRACES DE RIMBAUD

 

 

 

Paul avait le temps. Le carillon n'avait sonné que trois fois après son petit air de boîte à musique. Il avait même eu le temps de réinstaller sa tente au pied de l'Olympe et de saluer le monde qu'il connaissait.

Là, sur la place Ducale, il avait appris qu'il y aurait une visite guidée, et sa seule réelle motivation pour y assister était de proposer de chanter à la fin Le Dormeur du val fraîchement composé sous le soleil de Roche. Il en avait fait la demande dès le début au guide qu'il avait attendu à l'Office du Tourisme.

L'homme se présentait en bourgeois. Non pas qu'il se présenta comme le Bourgeois Gentilhomme, vous l'avez compris! Sa mise, son attitude, sa gestuelle, sa voix l'indiquaient. Mais vous savez aussi que Paul passait par-dessus ce genre de considérations. Mais lorsqu'il l'avait entendu lire à haute voix À la Musique, il trouva cela assez risible, surtout que, d'une: le poème évoquait au dix-huitième vers, «un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande»...; que, deux: il lisait avec une telle prestance et aisance dans sa pédanterie naturelle, qu'il fallait du culot ou une acceptation de sa condition mêlée d'autodérision, ou alors un cynisme de bon aloi, pour oser déclamer un poème si ironique à l'encontre des bourgeois.

Et alors de l'entendre dire: «Sous le second empire, Charleville change radicalement par son embourgeoisement»..., c'était sidérant pour Paul, qui par ailleurs le trouvait sympathique, passionnant, parce que passionné. Ce qu'il disait complétait vraiment sa première visite.

Ici la Meuse était pratiquement la seule voie de communication. Le guide avait bien fait imaginer les bruits de sabots le long de la Meuse et l'approvisionnement de marchandises. Toutes les rues de la ville étaient taillées au cordeau. La Meuse était aussi évoquée dans Le Bateau ivre ("fleuve impossible").

Devant la maison de naissance d'Arthur, le guide donna cette information significative: à son pied, il y avait une librairie. Arrivé devant le collège, il mit l'accent sur le fait que tous les prix raflés par Rimbaud avaient été vus par sa mère comme une récompense. Le démenti sera terrible pour elle. Paul apprit que quand Rimbaud n'était pas au collège, il était à la bibliothèque; le bibliothécaire était féroce, il ne comblait pas les exigences de Rimbaud; son nouveau professeur Izambard lui faisait lire Hugo, Nerval et même Baudelaire. Paul savait pour Hugo, sa mère reprochait dans une lettre à son professeur d'avoir donné à son fils une lecture comme Les Misérables!

Devant la Maison Rimbaud, le guide leur apprit qu'en face se trouvait le bureau du percepteur. Par "le jardinet derrière la maison" dans Les poètes des sept ans, Arthur avait évoquéla période où il l'avait habitée.

Le bourgeois ne cacha rien de l'horreur de la guerre dont avait été témoin le jeune Arthur face aux charniers dans les rues de Charleville. Il illustra sa précocité fabuleuse par le fait qu'en quelques mois, il avait appris le russe et l’hindoustani. On sait qu'en tout il aura parlé au moins sept langues. Il fit aussi le lien entre les "correspondances" de Baudelaire et les "dérèglements de tous les sens" de Rimbaud, pour recevoir l'inconnu. Il mit en exergue que certaines pensées des «Lettres du Voyant» se rapprochaient des découvertes du linguiste Naom Chomsky, dont Rimbaud était un précurseur: "Toute parole étant idée, le temps d'un langage universel viendra", cita-t-il. Il parla de l'importance du poète belge Lemonier, il révéla surtout la filiation relevée aussi par le commissaire Belpomme entre Nerval, Baudelaire et Rimbaud, bien que Nerval n'ait jamais été reconnu comme un Père, et qu'il n'y avait aucune preuve formelle de la lecture de ses poèmes, dont les Chimères ou Aurélia par Rimbaud. Mais le commissaire Belpomme avait longuement expliqué ce silence sur Nerval et fourni à Paul des arguments en faveur de sa paternité littéraire, faisant des comparaisons, par exemple entre Une Saison en enfer et Aurélia.

La visite tirant à sa fin, le guide conseilla comme lecture référente non pas Un ardennais nommé Rimbaud, mais la biographie de Pierre Petitfils, la meilleure selon lui, intitulée tout simplement Rimbaud.

Enfin, le moment tant attendu par Paul arriva. Le guide qui s'était déclaré "fou de poésie", et qui l'avait montré par son nombre de citations fit la proposition d'une chanson au groupe qui accepta de bon coeur. Paul prit sa guitare et commença, sans texte sous les yeux, à entonner Le Dormeur du val, mais il se planta très vite avec le trac d'autant qu'il maîtrisait encore mal ce texte appris le matin. Paul chanta alors Sensation, fut applaudi et très remarqué par une dame qui le regardait avec un beau regard. Elle lui donna le lendemain des photos avec une adresse sur un bateau, elle était Allemande.

Paul demanda ensuite au guide s'il voulait dîner avec lui, il refusa. Il lui demanda si son interprétation lui avait plu, il répondit par la négative. Selon lui, la chanson n'ajoutait rien au texte, c'était même plutôt du massacre. Paul lui opposa son point de vue et le bourgeois fou de poésie lui cita avant de le quitter: Je ne suis pas d'accord avec vous, mais je me battrais jusqu'à la mort s'il le faut pour que vous puissiez dire ce que vous avez à dire. Voltaire»

La claque!...

 

 

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