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Rimbaud passion
15 janvier 2018

Paul au pays de Rimbaud et Juliette (dernière version - Chapitre 28)

                                                                                                                 XXVIII

 

OÙ PAUL ATTEND JULIETTE

 

 

Une claque, Paul en recevrait peut-être une aussi par Juliette.

Le jour J était enfin arrivé! Paul était au point de rendez-vous avec une demi-heure d'avance. Quelle impatience!

 

Il fume (ce n'est pas un gros fumeur, c'est un «taxeur» pour ne pas l'être, il fume lors des moments de stress). Il regarde les passants. Sa montre. Une montre offerte par Eléonore. Cadeau qui pour lui est presque un poison, tant il avait tendance à s'y river.

18H45.

Là, une fille, grande comme Juliette s'assoit sur un banc. Elle porte des lunettes de soleil. Est-ce elle? Paul doute.

«Pourquoi Juliette se serait-elle assise là alors que je suis à côté, près de la fontaine, sous ses yeux? Ferait-elle mine de ne pas me voir?»

Un moment passe, puis il n'y tient plus. Il faut qu'il vérifie! Il va vers elle:

Juliette?

La fille relève la tête, remonte ses lunettes et fait non de la tête. Paul voit ses yeux noisette.

  • Pardon, j'ai confondu.

«Bon, me voilà renseigné! Comment ai-je pu croire que ce pouvait être elle?»

Il rejoint sa place au soleil. Attend. Et soudain se dit: «Et si cette fille était quand même Juliette? Si elle portait en fait des lentilles et qu'elle les avait enlevées afin de savoir si j'allais la reconnaître ou non sans elles? Pour savoir si je suis capable de la reconnaître sans les lentilles? Sa beauté ne tient-elle qu'à ses yeux? Est-ce que je me laisse leurrer par eux. Comme si je n'étais pas capable de la reconnaître sans ses yeux. »

Eh bien, oui, force était de constater qu'il avait oublié son visage. Aussi, la première grande fille vue ici, place Ducale, près de la fontaine, ne pouvait être qu'elle.

«Quel idiot! Je me fais un peu pitié. J'accepte d'être ridicule, pressé au point... Eh! Le stupide serait de ne pas reconnaître, qu'effectivement j'ai été bien aveugle de ne pas la reconnaître sans ses lentilles fabuleuses. Va, retourne et dis... Que dire? "Allez, Juliette, tu m'as bien eu, tu peux les remettre maintenant que je t'ai démasqué."»

Paul avance à nouveau vers la fille, mais là, c'est un éphèbe en chemise blanche qui vient vers elle se levant alors pour le rejoindre, avant de s'éloigner bras dessus-dessous.

«Et voilà! Le rêve avait raison. Je me suis fais avoir. Elle m'a narguée! C'était trop beau pour être vrai.»

 

Il est 19 h. Le carillon a tinté sept fois après son magique prélude. Paul est dépité. Il devrait ne pas avoir d'attente. C'était ce qu'il s'était dit. «N'aie pas d'attente» lui avait dit Éléonore. C'est ce qu'elle avait toujours tenté de lui apprendre. Mais Paul était un dur à cuire en la matière. De ce côté-là, il ressemblait encore à Arthur: pour l'auteur de Sensation dans le désert, l'instant était bien souvent, trop souvent, bouché par l'horizon...

Paul taxa une nouvelle cigarette qu'il se roula nerveux-nerveux. Une rencontre qui part en fumée...

«Je suis bien comme Rimbaud! Je te salue Arthur!»

Mais, le vent tourne presque à son insu, il se détend; imperceptiblement, il glisse dans le vide, lâche prise, l'instant présent le prend dans ses bras de velours ou de soie. La fée lui dit: «Je suis là, il fait bon vivre. La vie tout autour, le soleil. Que demander de plus? Profite!»

Soudain:

Paul?

Il se retourne et son coeur bondit:

  • Juliette!

«Et c'est cette beauté que j'ai confondu avec cette quelconque!»

  • Je t'ai fait attendre... Tu n'y croyais plus, hein?

  • Bah... dit-il en regardant sa montre.

  • C'est vache. J'étais là-bas, dans un café avec une copine et je te regardais attendre.

  • Ah bah d'accord! c'est sympa, ça!

«Ah la vache! se dit Paul. Finalement c'est bien ce que j'avais ressenti!» Ne l'avait-elle pas observée, lui et sa «bébêterie», sa «bétasserie»? Mais Paul était d'une humeur à plaisanter. Badinage, rigolade.

Il avait bien cru qu'il allait la voir la semaine des quatre jeudis! Le principal était qu'elle soit là, qu'elle soit venue. Il était tout content et avait retrouvé ses moyens. Il était oie, le voici cygne. Alléluia!

Juliette était ravissante. Elle portait une longue robe droite, écrue, avec des motifs orientaux. On aurait dit une indienne. Elle avait une plume dans les cheveux et de longs pendentifs colorés.

Paul pensa à cette phrase des Illuminations d'Arthur dans le poème Vies: «Dans une magnifique demeure cernée par l'Orient entier j'ai accompli mon immense œuvre et passé mon illustre retraite.»

Après un temps de délicieux entretien, Juliette lui proposa de retrouver son amie et son copain dans le café derrière eux. Elle l'informa que ses amis s'étaient absenté quelque temps, qu'ils les rejoindraient plus tard.

  • Tu prends quoi, Juliette?

  • Une Chouffe.

  • Allons-y pour la Louffe!

  • Non, la Chouffe.

  • Ah oui...

Ils pouffent.

Le ballon de bière venu, ils trinquent ensemble.

  • Je n'ai plus de tabac, lui dit-elle, je vais en acheter.

  • Tiens, tu pourrais m'en acheter aussi?

Que lui prenait-il maintenant? Il lui tendit un billet de dix euros.

  • Bien sûr! Tu veux quoi?

  • "Voyageur", s'il te plaît.

  • D'accord. À tout de suite.

  • À tout de suite.

Cinq minutes, dix minutes, quinze minutes... toujours pas de Juliette! Paul commence à s'impatienter. Vingt minutes passées, elle revient.

  • Désolée, j'ai rencontré des personnes que je n'avais pas vu depuis longtemps.

  • C'est pas grave.

  • Il n'y avait pas de "Voyageur".

  • Mince... Bon, bah, tant pis.

Ils trinquent et dégustent leur Chouffe à la robe brune et ambrée, plus forte que l'Arduina, mais qui désaltère tout autant.

  • Au fait, les dix euros?

  • Je te les ai redonné.

  • Ah bon?

Instinctivement Paul sort son porte-feuille pour vérifier. Mais il prend conscience de la signification du geste.

  • Je te fais confiance.

Il est tellement obnibulé, enfin obnubilé par ses yeux (ça retourne des yeux pareils!) qu'elle aurait pu en profiter, il est vrai. Mais, pas elle! Paul ne peut le croire. Quand bien-même cela serait, il était préférable de laisser passer et de prendre ce qu'il y avait de bon à prendre, de se donner dans cette rencontre que Paul sentait importante, au-delà de possibles travers de sa houri. Il se sent au-dessus de telles vétilles, – et tellement en amour...

L'amie de Juliette et son copain – Paul préférait dire compagnon, mais bref! – les avaient enfin rejoints.

Présentations. Juliette parla abondamment avec son amie qui rencontrait des problèmes de travail. Elle était dans le milieu de la mode. Paul les laissa dans leur retrouvaille et leurs débats, et s'intéressa au copain.

Il faisait du didgeridoo – instrument que Paul appréciait beaucoup – enfin, il en faisait dans le passé..., il n'avait plus trop le temps. Paul saisit au passage une parole de Juliette qui disait avoir été "gonflée" par un type, une connaissance, qui était à fond dans la philosophie et qui avait fait tout un "speech" sur Nietzsche. Paul repensa à ce qu'elle lui avait dit lors de leur rencontre, sur le trajet de son cours de danse: «Moi, je ne me prends plus la tête, je ne m'embarrasse plus des pensées des autres. Je suis beaucoup plus à l'écoute de moi-même.» Paul approuvait totalement, étant dans une même optique.

Il était convaincu que c'était une fille bien.

Nietzsche et tout le bataclan, oh là là! Je suis au-dessus de tout ça, maintenant!

Paul ne disait rien. «On se comprend.» pensa-t-il.

 

Juliette! Juliette! Que d'impressions se mélangeaient en Paul! Il l'écoutait parler :

Vivement que je gagne au loto!

«Après tout, qu'elle aime l'argent n'est pas un problème, pourvu qu'elle n'en fasse pas sa quête. Je sais qu'elle est sur un chemin spirituel.» se dit-il.

Oui, il s'en doutait et en avait eu la confirmation tout à l'heure, avant d'être rejoint:

Tu accordes de l'importance à la spiritualité ? lui avait-il demandé, comme un test et un moyen de dire qui il était.

(C'est bien Paul, il n'y a pas que le cul... euh le ciel des yeux qui compte pour toi!)

Oui. C'est important pour moi.

 

Et, en effet, elle parlait à présent d'astrologie, de lithothérapie, de massage ayurvédique... Elle lui faisait penser à une de ses amies, Micheline. Paul était admiratif et enchanté, mais conscient qu'elle se dispersait, qu'il lui manquait le Centre. Son centre.

«Ne puis-je l'aider à le trouver? L'ai-je rencontré pour autre chose?», n'avait-il pu s'empêcher de se demander.

Il était avant tout attentif, sans jugement, respectueux de son propre chemin. Il savait combien était dur le chemin en soi, sur la voie de la Connaissance. Ce chemin périlleux et exigeant, Rimbaud avait pu le mesurer en arpentant le Verbe et le désert... Les désirs se pliaient aux besoins, l'ego au Soi. La route était longue, mais c'était la seule qui ne trompait pas. Et elle était déjà toute tracée en chacun. Un seul Chemin pour des chemins différents. Des chemins différents pour un seul Chemin, une seule Montagne. Combien trouvaient leur voie, leur "mission", ce qui donnait sens à leur vie?

Arthur s'était perdu en missions extérieures. Son âme avait sans doute choisi d'en faire l'expérience. Combien regardaient leur doigt en montrant la lune aussi? Certes, Paul, un tantinet de nature contestataire envers les bonnes paroles, proverbes de sagesse qui ne résistaient pas toujours à l'étude du Poissons ascendant Vierge qu'il était, se disait volontiers capable de montrer la lune en regardant et la lune et son doigt.

Ceci dit, le travail sacré est un sacré travail! Un éveil continuel. On peut s'égarer...

 

Bien, alors, ne nous égarons pas! Nous sommes toujours sur la place Caudale... euh... Ducale! À un alpha près, on obtient bien l'oméga.

  • O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux!

 

Bonjour Rimbaud, bonjour Juliette! Amours parallèles. Suffit! Ne transformons pas la place Ducale en place Quedalle! Ce n'est pas le moment de faire un tête-à-queue...

 

Paul avait proposé à Juliette de manger ensemble. Elle avait accepté. Mais tandis qu'elle parlait en savourant sa Chouffe (ça chouffait dur dehors!), l'heure tournait, et Paul s'était inquiété quelque peu de l'échéance qu'il restait pour mettre à exécution leur projet. N'allait-elle pas annuler en dernière minute? (Ouh! Ça chouffe à l'intérieur!)

  • Tu es toujours d'accord pour le resto? lui demanda Paul après que sa belle ait quitté ses ami(e)s.

  • Oui, j'ai faim.

«Ouf!»

  • Moi aussi. Tu as un endroit à me proposer?

Juliette montra à Paul deux restaurants l'un en face de l'autre. «L'un est bien, mais plus bourge»; l'autre avait l'air sympa, mais elle ne le connaissait pas. Elle opta pour ce dernier.

Parfait!

Sur ce mot de Paul, ils s'installèrent en terrasse. Sur la table, la carte. Paul la consulta pour guider son choix pendant que Juliette, aux allures de girafe orientale passait aux toilettes.

  • Tu as une idée? lui demanda- t-elle à son retour.

  • Une pizza, ça te tente?

  • Oui, mais pour moi végétarienne.

Ils commandèrent deux pizzas végétariennes –le partage jusqu'au bout de la langue! Il n'y avait plus qu'à attendre.

Tu veux une cigarette? lui demanda-t-elle en tendant un paquet.

Non, merci, je n'aime que les roulées.

«Là, tu fais fort! se dit-il après coup, ne jamais refuser une cigarette à une fille, mon gars! Te rends-tu compte du symbole? L'accepter, c'est un oui à la jouissance, à l'extase! C'est lui faire signer un Oui dans deux heures à l'hôtel, ou à la tente – soyons fous!»

«Le charnel, le sexe tombé à l'eau, à plat, mon gars, il faut se rabattre sur le spirituel en mangeant ta... votre pizza.

«Merde! (il veut dire: pas de pot!) Je vais avoir à digérer deux choses maintenant. Comment rattraper mon coup pour tirer... une nouvelle carte du jeu?»

 

Mais c'est un face à face qui les attend, un dépouillement de l'âme. La pizza est délicieuse, et leur échange aussi bon. Si celui-ci était une pizza, il s'appellerait pour sûr "Royal Spirit".

Qu'en dire? Car, tout ne peut pas être dit. Secret land. C'est entre elle et lui. Entre Paul et Juliette. C'était une communication d'âme à âme, de teneur spirituelle.

Après que Paul lui eut parlé de son émotion sur la tombe d'Arthur, Juliette lui demanda s'il croyait en la réincarnation. Paul lui avait raconté sa rencontre avec un homme en Grèce nommé Paul comme lui, il lui avait dit qu'il avait eu des flashs de ses vies antérieures.

Moi, je n'ai jamais eu de flashs, dit-il à Juliette. La réincarnation, ce n'est pas que je n'y crois pas, c'est que je n'ai pas souvenir de vies antérieures et cela ne me préoccupe pas. Je crois que certains ont besoin de se souvenir, d'autres pas.

Juliette était toute ouïe.

En fait Paul n'avait pas dit à Juliette ce qui lui revint, plus tard: une fois en rêve il avait eu comme un souvenir d'une vie antérieure en Orient. Là, sa petite soeur actuelle était sa femme.

 

Paul et Juliette se regardèrent longtemps, intensément et Paul lui dit :

  • J'aimerais bien...

  • Oui? lui dit Juliette, le sourire aux lèvres, toujours les yeux plongés dans les siens.

  • J'aimerais beaucoup faire l'amour avec toi.

  • Oua-ouuu! lance-t-elle à la lune comme une louve.

  • Oua-ouuu! Oua-ouuu! renchérit Paul comme un loup (et aucune police ne serait assez grosse pour traduire!)

Paul la sentit tentée, mais elle lui répondit:

Je ne crois pas que ce serait une bonne idée.

Elle ne sentait pas son corps prêt. Elle ne voulait pas mélanger les énergies...

Oui, déjà sur la terrasse du café en compagnie de ses ami(e)s, Paul avait entendu de la bouche de Juliette qu'elle était amoureuse d'un beau jeunot et qu'elle avait hâte de le revoir. Il se dit alors que son rêve était prémonitoire, mais lui, en dauphin, il se sentait libre vis-à-vis d'elle. Il lui avait dit que s'il faisait l'amour avec elle, il le ferait avec une autre dimension.

  • Sais-tu quand j'ai fait l'amour pour la première fois? demanda Paul à son interlocutrice qui ouvrit grand les yeux.

  • Non, dis...

  • À 33 ans.

  • Et?

  • C'était une réussite. Je ne regrette pas d'avoir attendu si longtemps.

Paul lui en expliqua les raisons.

  • Je suis impressionnée. Et ça fait combien de temps que tu n'as pas fait l'amour?

  • Euh... quatre-cinq ans.

  • Ouah!

  • Je n'ai eu dans ma vie qu'une partenaire, pendant quatre mois.

  • Ouah! Et c'est elle qui t'a plaqué ou c'est toi?

  • C'est elle. C'est comme ça. Ç'aurait pu être moi.

 

Paul se dit: «Bon, faut en faire voir avec les filles. Faut leur montrer ton feu d'artifice...

«Mais c'est une catastrophe tu veux dire! Tu te rends compte? Tu lui dis que tu n'as eu, en gros, qu'une maigre expérience de quatre mois, ce qui laisse sous-entendre – ne la croit pas bêtasse – que tu as une bien plus grande expérience masturbatoire, que tu n'as pas été fichu de coucher avec une fille depuis quatre-cinq ans, que tu n'es plus dans le coup... à l'âge de la retraite, pour ainsi dire. Et en plus, c'est la fille qui te plaque, elle doit avoir ses raisons. Le contraire aurait été positif: "Elle n'était pas performante", aurait-elle pensé, mais là! T'es complètement à côté de tes pompes! Après la cigarette, c'est le coup fatal. C'est le râteau total!

«Le râteau! Le râteau! Je vais finir par lui rouler une pelle, tu vas voir si elle ne va pas dire bonne pioche!

«Oui bah! quelle tête de pioche, tu fais, beau jardinier!

«J'ai trop envie de donner un coup de binette, moi...

«Ouais, bien sûr, ça nettoie la plate-bande. Qu'en dis-tu, Arthur?»

 

Plates-bandes d'amarantes jusqu'à

L'agréable palais de Jupiter.

Je sais que c'est Toi, qui dans ces lieux,

Mêles ton Bleu presque de Sahara!

Calmes maisons, anciennes passions!

Kiosque de la Folle par affection.

Après les fesses des rosiers, balcon

Ombreux et très-bas de la Juliette.

La Juliette, ça rappelle l'Henriette!

 

«Oui, moi, ça me rappelle Juliette.» se dit Paul en repensant au poème de 1872 intitulé «Bruxelles».

 

Je te connais et t'admire en silence.

 

Paul était habitué à faire appel à son «guide intérieur», sa «Bien Aimée». Il s'adressa à elle:

«Ô ma Bien-Aimée, je m'égare, Arthur m'égare dans ses plates bandes d'amarantes, Juliette m'égare dans son labyrinthe d'âme, mais dis-moi, puis-je dire...»

  • Oui.

À un moment donné, Paul a miré Juliette, miré dans son sens étymologique (contempler, admirer, «regarder avec attention») et il lui a dit:

 

  • Tu es douce. Il y a beaucoup de douceur dans tes yeux.

  • Faut pas se fier aux apparences. Je ne suis pas la personne que tu penses.

 

Et vlan! Paul se ramassa une pelle dans la plate-bande, mais plutôt dans celle des Soeurs de Charité:

 

Mais, ô Femme, monceau d'entrailles, pitié douce,

Tu n'es jamais la soeur de charité, jamais,

...

Tu nous rends tout, ô Nuit pourtant sans malveillance,

Comme un excès de sang épanché tous les mois.

 

Paul poursuivait son monologue intérieur: «Je veux bien croire, tu es un mystère, et elle est un mystère Juliette, comme toutes les fesses..., euh! comme toutes les femmes, comme la Femme entière.»

 

Les reins portent deux mots gravés: Clara Vénus;

Et tout ce corps remue et tend sa large croupe

Belle hideusement d'un ulcère à l'anus.

 

«Moi aussi je peux dire que j'ai l'anus en Vénus! Si on veut parler horoscope... Poisson en Scorpion, Lion en Taureau – Vierge, j'm'en balance –, Bélier en Chèvre-corne, Sagitaire en Flèche-dans-le-cul; Verseau en Pipi-caca-prout, Gémeaux en Jumeau, Cancer en Rimbaud...

«L'humour, ça te manquait Arthur. Sauf dans Vénus Anadyomène. Et dans tes Conneries:

 

Casquette

De moire,

Quéquette

D'ivoire,

Toilette

Très noire

Paul guette

L'armoire,

 

Projette

Languette

Sur poire,

 

S'apprête,

Baguette,

Et foire.

 

«Ô ma Bien-Aimée, puis-je dire que je t'ai trouvé en moi?

Oui, mon Bien-Aimé. Je suis contente que tu m'aies trouvé, moi qui a toujours été en toi, mais qui ne le savais pas.

 

J'ai embrassé l'aube d'été... : à la cime argentée je reconnus la déesse. Alors je levai un à un les voiles...

J'ai trouvé ma Bien-Aimée en moi, confia Paul à Juliette. J'ignorais son existence jusqu'alors. Ma femme intérieure.

Il sentit Juliette émue. Silence et danse intérieure.

Paul lui demanda avant de se quitter si elle voulait bien qu'ils se serrent dans les bras. Elle accepta. "Dans l'amour inconditionnel" avait dit Paul.

Il témoignera ainsi de ce moment extraordinaire dans son journal:

«Je mis mes mains au niveau de mon plexus et me centrai, éloigné de quelques pas face à elle amusée, surprise, touchée, quand je rouvris les yeux. J'avançai vers elle en la regardant et la serrai tendrement dans mes bras. On était sur la place Ducale; on l'oublia. Il n'y avait que nous deux, deux corps, deux âmes unies dans une caresse, une chaleur, – dans l'Amour. Nous étions deux étoiles réunies. Je caressais son dos, sa nuque, je déposai des baisers; sa main me choyait; je l'entendis gémir. Un moment, moment d'humour, elle me dit: «Tu veux garder ta pizza en main?» Je la tenais derrière son dos. Je lâchai le carton enveloppant le reste de pizza que le serveur m'avait donné sur ma demande. Elle tomba à plat sur le sol. Pas de problème! Nous poursuivîmes sans embarras notre étreinte. Propulsés dans l'hors-temps, dans l'or du temps. "Non, non, tu ne me feras pas de bisou", me dit-elle, coquinette, en me sentant venir. Je trouvai charmant l'expression. Des bisous, je lui en avais donné plein. Mais, pouvait-elle dire autre chose? L'embrasser? Je venais de le faire. On s'était embrassés... La "baiser"? Nous venions de le faire. On a «Baisé» sur la place Ducale, personne ne l'a vu. C'était divin. Un ballet de dauphins sur la place Ducale, comme ceux qui ornent la fontaine. Pour nous, c'était vraiment une fontaine de jouissance, de tendresse et d'amour. J'aurais pu dire suggestivement à Juliette "On peut transformer la place Ducale en place Buccale...". Mais on avait fait mieux. L'extraordinaire, le rare, l'unique, le magique avait pris place. Nous étions – et tant pis si ça ne rime pas – sur la place de l'Amour.»

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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