29 mai 2013
Les réparties de Nina (chanson)
Drôles de réparties! J'ai sucré un couplet (je ne me souviens plus si c'est volontaire ou non): ce sont les vers 100 à 104 qui ne se trouvaient pas dans l'autographe de Paul Demeny. Ce poème prend place dans l'ordre des Poésies après Première Soirée, mais c'est une toute autre ambiance que je lui ai trouvé. Le poète s'adresse à son amoureuse dans un long monologue et lui dit tout ce qu'il aurait pu vivre avec elle. L'accent de la dérision perce dans cette "idylle" imaginée, en même temps que son langage devient plus hardi, - pente vers le Bateau ivre. Les temps oscillent entre conditionnel, présent et futur: un certain trouble, une certaine urgence. A l'alternance d'octosyllabes (réservé à l'ode et à la poésie lyrique depuis la Renaissance) et de tétrasyllabes (à effet de surprise et de suspension - et sur lequel finira le poème..) se lie l'utilisation de rimes croisées (balancement - on peut imaginer Rimbaud pousser la balançoire où est posée son amoureuse, mais qu'il arrête au retour à mi-chemin à chaque fois: son amoureuse, c'est sa Muse, c'est le poème). L'ensemble montre à quel point le poète trouve la forme qui sert le plus l'esprit. "LUI" rêve (avec exaltation, ironie - sa ressource - et un certain désespoir dans le fond - ou faut-il dire inquiétude? - "hein? nous irions?": c'est cassé, cassant; ça boite...). "ELLE" le réveille brutalement par trois mots surprenants à effet comique et de portée ironique (parachèvement de ce qui ne cessé de parcourir le poème: "une vache fientera, fière/ à chaque pas" pour ne prendre qu'un exemple) "Fin de l'idylle" dira Rimbaud, et c'est l'"idylle" qui met fin à ce faux poème d'amour interminable et, dirait-elle, "casse couilles"...
Aussi ne s'étonnera t-on pas d'entendre une longue mélopée - on est dans la musique répétitive - et peut-être qu'à l'instar d'Elle vous direz-vous: "c'est quand que ça s'arrête?"
Les Reparties de Nina ...................................................... |
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LUI — | Ta poitrine sur ma poitrine, Hein ? nous irions, Ayant de l'air plein la narine, Aux frais rayons Du bon matin bleu, qui vous baigne Du vin de jour ?... Quand tout le bois frissonnant saigne Muet d'amour De chaque branche, gouttes vertes, Des bourgeons clairs, On sent dans les choses ouvertes Frémir des chairs : Tu plongerais dans la luzerne Ton blanc peignoir, Rosant à l'air ce bleu qui cerne Ton grand œil noir, Amoureuse de la campagne, Semant partout, Comme une mousse de champagne, Ton rire fou : Riant à moi, brutal d'ivresse, Qui te prendrais Comme cela, — la belle tresse, Oh ! — qui boirais Ton goût de framboise et de fraise, Ô chair de fleur ! Riant au vent vif qui te baise Comme un voleur, Au rose églantier qui t'embête Aimablement : Riant surtout, ô folle tête, À ton amant !... ............................................. — Ta poitrine sur ma poitrine, Mêlant nos voix, Lents, nous gagnerions la ravine, Puis les grands bois !... Puis, comme une petite morte, Le cœur pâmé, Tu me dirais que je te porte, L'œil mi-fermé... Je te porterais, palpitante, Dans le sentier : L'oiseau filerait son andante : Au Noisetier... Je te parlerais dans ta bouche ; J'irais, pressant Ton corps, comme une enfant qu'on couche, Ivre du sang Qui coule, bleu, sous ta peau blanche Aux tons rosés : Et te parlant la langue franche... Tiens !... — que tu sais... Nos grands bois sentiraient la sève, Et le soleil Sablerait d'or fin leur grand rêve Vert et vermeil. .......................................................... Le soir ?... Nous reprendrons la route Blanche qui court Flânant, comme un troupeau qui broute, Tout à l'entour Les bons vergers à l'herbe bleue, Aux pommiers tors ! Comme on les sent toute une lieue Leurs parfums forts ! Nous regagnerons le village Au ciel mi-noir ; Et ça sentira le laitage Dans l'air du soir ; Ça sentira l'étable, pleine De fumiers chauds, Pleine d'un lent rythme d'haleine, Et de grands dos Blanchissant sous quelque lumière ; Et, tout là-bas, Une vache fientera, fière, À chaque pas... — Les lunettes de la grand-mère Et son nez long Dans son missel ; le pot de bière Cerclé de plomb, Moussant entre les larges pipes Qui, crânement, Fument : les effroyables lippes Qui, tout fumant, Happent le jambon aux fourchettes Tant, tant et plus : Le feu qui claire les couchettes Et les bahuts. Les fesses luisantes et grasses D'un gros enfant Qui fourre, à genoux, dans les tasses, Son museau blanc Frôlé par un mufle qui gronde D'un ton gentil, Et pourlèche la face ronde Du cher petit... ...................................................... |
ELLE — | Et mon bureau ? |
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