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Rimbaud passion
7 février 2015

Rimbaud passion ou les mystères d'Arthur (nouvelle version) Neuvième chapitre et fin + Cerise sur le gâteau (appendice du roman)

 Rimbaud dans une pomme et fin


IX



    • Mon cher ami, il nous faut nous quitter maintenant, annonça Arthur Belpomme pendant le petit déjeuner.

Paul suspendit une bouchée de pain.

    • Mais, tu m'as parlé de neufs jours. N'est-on pas le huitième?

  • Peut-être y aura-t-il une neuvième rencontre entre nous quand tu auras compris comment Rimbaud est dans une pomme, en admettant bien sûr que cette histoire de pomme ait un sens! Et tu peux toujours étudier le poème Voyelles pour mieux comprendre.

  • Alors là, Arthur, c'est le pompon! Le poème Voyelles contiendrait un message caché en rapport avec la pomme et serait la clé pour comprendre ton assertion rimbaldo-pommesque? releva Paul.

  • Je ne t'en dit pas pas plus, mon ami, mon...

  • Quoi?

  • Allez, au revoir, dit Arthur, lui ouvrant ses bras.

Et c'est ainsi, ami lecteur, qu'une étreinte fraternelle clôtura leur voyage spirituel. Je veux dire physiquement l'un en présence de l'autre.

Finir par une queue de poisson du commissaire Belpomme  ! Quelle roi de la Nargue serait-il  ! Non, cela aurait été par trop cruel et pour P aul et pour le lecteur. Et le commissaire Belpomme, lutin, n'en était pas moins un honnête homme au cœur d'or, pour ne pas dire au coeur golden...

 

*

Sur le chemin du retour chez lui, Paul repensa à toute la mise en scène et aux paroles du commissaire Belpomme. Il se dit: «  Voyelles dans la pomme maintenant! Ou la pomme dans Voyelles. Comique vraiment! Il bâtit des châteaux dans le ciel comme on tire des plans sur la comète ou quoi? Bon, bon, pas si fou quand même. Il sait mener une barque...  »

Paul repensa à la blague du premier jour et parodia:

«  Paul Prouti et Arthur Prouta sont dans un bateau. Paul Prouti tombe à l'eau. Qui est-ce qui reste? Arthur Prouta! – Pom-pom-pom-pom!

Il rit en marchant, un léger vent venant lui chatouiller les tempes. Il s'arrêta, se gratta la tête, soupira, reprit son train sur le ton de l'enquête, à peine belpommien:

«  Voyons, s'il a joué et même jonglé avec un objet, il l'a fait aussi avec une idée, un objet métaphysique, spirituel. Rimbaud est lié, partie prenante d'une notion abstraite: la pomme. Rimbaud est dans une pomme, a-t-il dit. Il faut le trouver à l'intérieur de la pomme en tant que symbole. Symbole de quoi? De Connaissance. J'ai vu le commissaire jouer avec cette connaissance, jouer avec Rimbaud, donc à l'intérieur de celle-ci. Autrement dit, son oeuvre et sa vie sont si liées que pour en goûter pleinement la saveur, il faut en acquérir la Connaissance. Pour ce qui est du secret de la pomme, il venait tout logiquement corroborer le fait que la connaissance se trouvait bien dans ce fruit: il suffisait de la couper dans sa verticalité pour retrouver tout son sens spirituel, cosmologique qui relie la terre et le ciel, le corps et l'esprit. On y trouve l'ordre du monde, le macrocosme miroite dans ce microcosme que l'on peut trouver non seulement dans une pomme mais dans la Nature entière. Trop fort! Tiens, Cela me fait penser à la géométrie sacrée, au nombre d'or contenu dans une fleur ou le corps humain, à la symétrie, aux Correspondances...  »

Peu après son arrivée chez lui, Paul ouvrit son volume des Oeuvres complètes de Baudelaire et lut avec délectation à la lueur d'une bougie:

 

La Nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles;

L'Homme y passe à travers une forêt de symboles

Qui l'observent avec des regards familiers.

 

Comme de longs échos qui de loin se confondent

Dans une ténébreuse et profonde unité,

Vaste comme la nuit et comme la clarté,

Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

 

«  Baudelaire, premier voyant! monologua Paul. Un vrai dieu avait dit Rimbaud. Et Nerval aussi, qui s'était dis soumis aux épreuves de l'initiation sacrée et avait confié qu'une force invincible était entré dans son esprit. Il avait eu son destin, il devait entrevoir l'autre côté du miroir; il avait dû mourir pour le voir. Il avait effleuré la Connaissance. Il lui manqua peut-être une assise stable, il lui manqua un maître qui l'aide à être son propre maître, à trouver son guide intérieur. Cela avait-il manqué à Arthur Rimbaud?

«  Et son petit-fils, Arthur Belpomme, était-il un initié à la Connaissance, rattachée à la grande Tradition universelle manifestée dans de multiples formes mais étant Une, de même que le multiple se rejoint dans l'Unité, le point, l'étoile? Aurait-il vu mon potentiel pour être initié, et le potentiel de la Pomme dans tous ses états pour m'amener à la Connaissance qu'elle contenait et dont elle était le symbole absolu? La Rose se prêtait bien aussi à l'initiation, mais la pomme avait l'avantage d'être jonglable autant que mangeable et son volume se prêtait plus au relief de la pensée d'Arthur.  »

Paul poursuivit ses recherches tout en pensant régulièrement au commissaire avec lequel il sentait subsister un lien très fort. Un mois, deux mois, trois mois passèrent sans nouvelles d'Arthur Belpomme. En revanche, il y avait eu des nouvelles d'Arthur Rimbaud: un nouveau portrait présumé être le sien, un portrait du Rimbaud abyssinien trouvé dans un lot de photos. Il s'agissait d'une photo de groupe, et une figure se démarquait par une présence incroyable, comme si il avait prévu son coup: «  coucou, c'est moi. Vous me reconnaissez? Je savais bien qu'un jour où l'autre on retrouverait mon visage net, la carte de mon être. Il fallait du temps avant que la découverte soit faite et il en faudra avant qu'elle soit admise. Un pont est jeté pour rejoindre le poète que je fus, que je suis toujours. Que je serai à jamais. Transpercez la surface, le fond est le même.»

Paul fut ému de cette extraordinaire découverte et pensa à l'émotion qui devait étreindre Arthur Belpomme.

C'était un miracle. La cerise sur le gâteau. Un cadeau de l'Univers!

Pomme sur la cerise sur le gâteau, Paul reçut plus d'une semaine après cette découverte une longue lettre du commissaire. Et un gros paquet de feuilles l'accompagnait. Ce n'était ni plus ni moins que ses écrits personnels sur Rimbaud. Avec étonnement, Paul se vit à travers cette sorte de testament désigné comme héritier et fils spirituel.

Paul espérait le revoir. En attendant, il lui demanda par courrier si il était d'accord pour que sa lettre soit rendue publique.

Arthur Belpomme accepta avec joie.

Cette lettre était pour Paul un trésor pour mieux connaître Arthur Belpomme et Arthur Rimbaud. J'espère que le lecteur appréciera autant que son destinataire. J'ai un seul mot pour la qualifier: surprenant!

Voici la lettre:



"Cher Paul,

Je ne sais si ton «  roman aux pommes  » à pris forme, je le souhaite. Je ne sais s'il fera un tabac, je doute même qu'il devienne un best-seller, tel ne doit pas être ton objectif en tout cas, je sais que tu sais, mais je tiens à te dire qu'il compte. Peu importe sa réception actuelle ou future. Tu as déjà un lecteur inconditionnel: moi-même.

Je te laisse libre de tout souci d'exactitude et d'interprétation vis à vis de ce qui t'a été donné, tout comme je te laisse le soin d'utiliser à ta guise les documents et travaux personnels que je te joins.

J'aimerai une dernière fois m'exprimer sur mon grand-père. Tu peux l'utiliser à ta convenance dans ton travail d'écrivain. Prends-le en estime.

As-tu découvert le nouveau visage de mon grand-père? Il y a beaucoup à dire dessus. Je sais que c'est lui. Mon émotion est au comble.

Rions de nos fumisteries, galéjades, fabulations et affabulations.

Mais voici ce qui me semble plus sérieux et en quoi tu pourras trouver un profil testamentaire. Serais-je un testamenteur? A toi de voir...

Comme tu en as déjà eu un aperçu, on peut trouver de curieuses coïncidences entre l’œuvre et la vie d'Arthur aux multiples échos; qu'on les regarde comme des prémonitions ou non, elles sont réelles : il a fréquenté le café de l'Univers dans les Ardennes et fréquentera l'Hôtel de l'Univers à Aden; dans son premier rapport scientifique à l'âge de dix ans avant celui de l'Ogadine, il a dénombré 37 espèces de mouches observées, il mourra à l'âge de 37 ans; cela ajouté au mot de l'écolier «  je serai rentier  » qui fait écho à sa quête obsessionnelle de rentes en Abyssinie; cela ajouté à l'Orient qui hante Rimbaud dans Une Saison en enfer et à la conclusion qu'il donne et à ce qu'il vivra effectivement au Harar jusqu'aux ultimes illuminations. De même, on ne manque pas d'être frappé de ce que rapporta sa soeur Vitalie dans son Journal: lors de sa visite du British Muséum, ce par quoi elle a été le plus intéressée, c'est les dépouilles de Théodoros, roi d'Abyssinie, et de sa femme.

Nulle oeuvre, nulle vie ne montre avec plus de force la force du Destin. Nerval même est assez loin derrière. Pourtant il est fort dans le domaine.

Le grand surréaliste André Breton a été jusqu'à faire son thème astrologique.

Mais d'abord, j'ai trouvé d'autres coïncidences frappantes qui corroborent en bonne partie ce que je te disais, de l'importance du 9 dans la vie et l'oeuvre d'Arthur, même si il faut les accueillir avec circonspection.

Une Saison en enfer comporte 8 sections titrées, et si on y ajoute l'introduction «  jadis si je me souviens bien  » on en obtient 9. Arthur est né en 1854: on trouve deux fois 9 en additionnant les chiffres. Il est mort en 1891: 9 + 10, le 10 (9+1) étant nombre de totalité, de l'accompli. On peut lire cette date ainsi  : 1+8=9. 9  : 1=9  !

Oui, prudence oblige: quand je vois que les astrologues ne se basent pas sur la même heure de naissance pour faire le thème astral d'Arthur!...

Je suis peu bercé par l'astrologie mais comme outil de connaissance, il m'intéresse. Une amie calée dans le domaine et en qui j'ai confiance, m'a donné d'intéressantes interprétations. Le fait qu'elle n'ait pas ma passion pour la trajectoire de Rimbaud, le poète et l'homme, la crédibilise à mes yeux, même si je prends du recul. Voici ce qu'elle me dit: «  Ses mots sont vraiment artistiques. C'est une gymnastique artistique (mots rares ou créés). Il exprime la laideur avec beauté. Il a le milieu du ciel en Gémeaux qui lui donne une capacité d'expression écrite ou orale. Le piège est de rester à la surface des choses.  »

Après avoir lu des poèmes de Rimbaud, elle a lu un texte en prose de Victor Hugo: «  On voit tout de suite la différence, me dit-elle, Hugo est dans le peuple, immergé dans celui-ci, en faisant partie et parlant en son nom. Le peuple est dès le début présent dans le texte. Rimbaud, lui, maintient une distance. Une manière de dire: «  je ne fais pas partie de ces humains.  » Il est impersonnel dans le sens qu'il n'est pas facile d'accès. Il signale bien par son verbe que ce qu'il voit en lui ne résonne pas avec ce qu'il voit à l'extérieur. Hugo est un idéaliste mais ancré dans la réalité du monde. Il est un réaliste idéaliste. Rimbaud a un idéal de beauté qu'il ne peut réaliser.  »

Elle regarda ensuite le thème astrologique de Verlaine et dit: «  Verlaine a les pieds sur terre. Et sur cette base-là il crée de la beauté et c'est tangible. Rimbaud, par son signe astrologique et son ascendant est dans le sentiment. Il se crée des attentes de beauté et d'harmonie qui ne sont pas forcément réalisables. Il est très sentimental et très facilement déçu par l'autre. Le fait de voyager, de voir les autres, d'autres cultures, lui a permis de travailler sur cette fragilité. Verlaine est Scorpion, inquiet, sans cesse en contact avec l'inconscient collectif.  »

J'espère que je ne t'ai pas trop gavé avec l'astrologie. Mon amie a tendance à me gaver avec ça... Mais, moi, ne t'ai-je pas gavé avec Rimbaud? Ah! Les passions!

Je reprends avec l'idée du Destin: la force du Destin dont on parlait est d'autant plus marquante chez Arthur que tout est fulgurance chez lui. Il est une fulgurance. Son oeuvre comme sa vie est fulgurante... et dense. Quand on pense que son oeuvre de 500 pages – si on enlève toutes les lettres qui ne sont pas de lui, dont à peine la moitié est occupée par l'oeuvre poétique – a eu un tel retentissement  ! Son père, a écrit sensiblement plus que lui, quoi que dans un genre différent, et sa Correspondance militaire qui à elle seule fait plus de 700 pages (et il faut ajouter son Éloquence militaire), n'a laissé aucun souvenir éloquent!

On se sent proche d'Arthur, il est un frère, un fils. Un homme multidimensionnel, un multiplicateur de rêves. Une illustration incandescente de l'humain, un dévoilement sous-jacent du divin. C'est pour cela qu'on peut l'appeler Arthur.

Je m'emballe pour mon grand-père, c'est dingue comme il m'habite!

Je ne veux pas plus de soûler, et je signe:



A B

 

POST SCRIPTUM : Je suis un vieux fou hanté par Arthur! Non, ce n'est pas du Baudelaire, c'est du Belpomme!

Est-ce que tout ce que je t'ai dit est vain? Ne sont-ce que des chimères? Que sais-je de plus sur Arthur? Il est mon grand-père, et après? Je suis un peu lui, il est un peu moi, comme beaucoup peuvent le dire, sauf que c'est mon grand-père.

Je sens que je vais guérir de ma hantise. Il fallait que je me libère, c'est passé à travers moi, à travers toi. Merci la vie.

Mais peux-tu comprendre le dégoût que je peux éprouver parfois, les sentiments ambivalents qui m'habitent à l'endroit de pépé? Il m'arrive comme il arrive aux poètes de cracher sur la Muse comme le boulanger doit parfois cracher sur le pain (au figuré, évidemment!)

Je vais te faire une confidence: je suis loin de lui vouer un culte, à Arthur. Sa trajectoire me passionne. Mais, suivant mon humeur il est vrai, parfois je trouve une partie de sa poésie singulièrement vieillie, d'un autre temps. Peut-être parce que je me fais vieux, je t'avoue que je comprends tel ami qui trouve sa poésie triste, pesante, et qui lui préfère Baudelaire, plus raffiné – il n'avait pas du paysan dans le sang!

J'aime sa poésie, quand elle est simple, j'aime tel vers, tel formule, tel poème; il y a un certain nombre de poèmes que je trouve «  de forme vieille  » ou des «  vieilleries poétiques  ». Il est un ancêtre et il l'a bien dit: «  Du reste, libre aux nouveaux! D'exécrer les ancêtres! On est chez soi et on a le temps  » Je suis heureusement moins catégorique, mais parfois, cela fait du bien de balancer cela; on vit au présent. «  Il faut être absolument moderne.  » Ce qui n'empêche les petites escapades dans le passé. Pour nourrir notre présent. Qu'y puis-je si beaucoup des Illuminations m'échappent, comme beaucoup de ses Vers nouveaux et chansons, comme beaucoup de ses Poésies et comme beaucoup de passages d'Une Saison en enfer?

Je peux saluer la beauté, la forme, mais je me vois privé de sens. Nerval, le plus hermétique des hermétiques ne me fait pas cet effet, je ne me sens pas frustré, alors qu'avec Arthur, si; comment l'expliquer? Bah! C'est mon grand-père! Moque-toi de moi, un de mes poèmes préférés de lui est Les Étrennes des orphelins. J'ai redécouvert grâce à un ami Première soirée. Un poème qui est plus concret, – une charmante tranche de vie qui mérite d'être mis en chanson... Parmi mes préférés  : La MalineLe Buffet, Au cabaret vert, petits tableaux pleins de de vie, de familiarité, d'intimité, où l'on respire un parfum de bonheur; bien sûr Le Dormeur du val (le Sonnet des sonnets), Ma Bohème (il n'y a pas plus belle évocation du poète et sa Muse), Sensation (emblématique de la poésie sensorielle, sensuelle de Rimbaud, celui auquel je reste le plus sensible.)N'oublions pas Voyelles, Le Bateau ivre... autres sommets de sa poésie et de la poésie universelle..

Quand je lis aussi ces quelques vers de Soleil et Chair, par exemple,  long poème dit «  parnassien  », inégal et évoquant l'âge d'or (et c'est vrai que j'attends le temps de l'Harmonie universelle, âge d'or sans ennui) je suis subjugué et retrouve tout le sens de la poésie, et la vocation du poète, et l'admiration immense que j'ai pour mon ancêtre, je la retrouve intacte, neuve :

Le Monde a soif d'amour, tu viendras l'apaiser [...]

Le grand ciel est ouvert! les mystères sont morts

Devant l'Homme, debout, qui croise ses bras forts

Dans l'immense splendeur de la riche nature!

Il chante... et le bois chante, et le fleuve murmure

Un chant plein de bonheur qui monte vers le jour!...

  • C'est la Rédemption! c'est l'amour! C'est l'amour!...



Ce serait le moment de dire comme dans les Étrennes: «  On sent, dans tout cela, qu'il manque quelque chose...  »

As-tu découvert Arthur Rimbaud dans une pomme en passant par son alchimique Voyelles  ? me faut te donner en plus et parallèlement un petit travail de réflexion sous forme de questions. Tout d'abord  : Pourquoi, Rimbaud abandonne la poésie (sauf en esprit comme le dira sa sœur Isabelle)  ; pourquoi décida t-il, aux alentours de 1875, mais déjà annoncé dans Une Saison en enfer en 1873, d'abandonner la poésie  ?

Ensuite, à l'intention du fils spirituel de Rimbaud, en portant la couronne (stefanos en grec, couronne de laurier remporté par les vainqueurs olympiques)  : Qu'est-ce que la nature du Voyant  ? Quelle VOIX entend t-il  ? Que VOIT-il  ? Quelle VOIE découvre t-il  ? (on pourrait appeler cela le mystère des 3 V...) Enfin, quel potentiel de l'âme se révélerait  ? Y aurait-il un ou une Rune qui y correspondrait  ?

Bon, «  à défaut  » de pouvoir répondre à toutes, je te laisse le soin d'y réfléchir, et moi, en guise de congé, je crois que je vais me faire une bonne cure de pommes!

Fraternellement

Arthur.  »



«  Bien... me voilà dans de beaux draps!  », se dit Paul.

Il se sentait là, désigné comme fils spirituel du petit-fils d'Arthur Rimbaud, investi d'une mission.

Belpomme était revenu en beauté. Ayant donc reçu en héritage les documents nécessaires à son travail, en plus d'une lettre «  de mission  », Paul s'était passionné pour le "  Rimbaud en documents".

Il repensa à «  ces neuf jours qui feront un jour un beau roman.  » Il l'accouchera à neuf mois... «pour un moi neuf, se dit-il en l'écrivant.

Il faut au moins ça, non?

Bien sûr il ne manquerait pas d'envoyer sa fiction à Arthur Belpomme dès qu'il y eût mis le point final. En attendant, hanté par le «  Rimbaud est dans une pomme  » du commissaire Belpomme qu'il pouvait comprendre en étudiant Voyelles, il entreprit des recherches dans ce sens et il lui envoya cette synthèse ou «  fiche technique  » :



Dans «  Alchimie du verbe  » d'Une Saison en enfer, Rimbaud évoque Voyelles et sans doute aussi le travail poétique de l'année suivante puisqu'il cite ensuite des poèmes de 1872.

«J'inventai la couleur des voyelles! –   A noir, E blanc, I rouge, O bleu, U vert. – Je réglai la forme et le mouvement de chaque consonne, et avec des rythmes instinctifs, je me flattai d'inventer un verbe poétique, un jour ou l'autre accessible à tous les sens. Je réservai la traduction.

Ce fut d'abord une étude. J'écrivais des silences, des nuits, je notais l'inexprimable. Je fixai des vertiges.  »

Il est notable que dans sa prose postérieure de deux ans à Voyelles, l'ordre donné aux voyelles n'est pas celui du poème, allant du A au O, mais celui traditionnel allant du A au U. Ne jugea t-il pas alors fantaisiste son ordre cosmique?

Ordre traditionnel (rétabli dans Une Saison en enfer en 1873): A E I O U.

Ordre donné par Rimbaud dans Voyelles en 1871: A E I U O.

Revenons à l'ordre primordial.

On a déjà d'emblée un ordre qui n'est pas sans signification, qui est voulu et confirmé par la transcription du E en grec, c'est à dire Epsilon. Rimbaud fait référence à l'Alpha et l'Oméga.. Jean Arthur Rimbaud est comme placé sous la tutelle johannique qui me fait aussi penser à son inscription au retour à l'hôpital de la Conception à Marseille où il mourut quelques mois plus tard: Jean Rimbaud. «  Je suis l'Alpha et l'Oméga  » dit à trois endroits l'apôtre Jean dans la Révélation.

Approfondissons cette notion.

«  Je suis l'alpha et l'oméga dit le Seigneur Dieu, celui qui est, qui était et qui vient, le tout puissant  ».(I, 8)

Il est donc la totalité du Temps trinitaire: le passé, le présent, l'avenir. On peut concevoir aussi: Je suis le père (ciel, cosmos originel, principe créateur), la mère (Terre qui s'offre, présente, au principe créateur) et le fils, la forme et l'esprit à venir, l'Avenir, ce qui advient, le mouvement, la force agissante de Dieu.

Dans certains blasons, ou dans l'iconographie chrétienne, le symbole Alpha et Oméga est utilisé pour symboliser la présence du Christ au coeur du monde et est associé à la croix qui est un autre symbole cosmique puisqu'il fait appel au quatre directions et porte ensemble, l'assume, la dimension horizontale et verticale de l'existence.

C'est le principe que tout nouveau être humain venu au monde porte en lui.

Un blason chrétien utilise à la fois le triangle Père- Fils -Saint Esprit, le symbole de la croix et les inscriptions Alpha et l'oméga de part et d'autre de celle-ci.

On utilise aussi l'expression: «  de l'alpha à l'oméga  » pour dire du plus petit au plus grand, et en effet, dans la numération grecque, l'alpha est la plus petite (valeur 1) et oméga la plus grande (valeur 800)

«  De A jusqu'à Z  » signifie «  dans la totalité du champ  ». Totalité du champ de vision, totalité du champ de conscience, totalité du cosmos, du microcosme au macrocosme.

L'alphabet est dans le cosmos, la Connaissance est dans le cosmos, symbolisé aussi par la pomme.

«  Rimbaud est dans une pomme » signifie qu'il porte le cosmos en lui, donc la Connaissance, dont l'alphabet est une manifestation et le principe créateur de la manifestation divine qu'est le Verbe (langage, poésie...)

A E I U O sont les sons de l'homme, les sons du cosmos (musique des Sphères). Faire appel aux voyelles en leur donnant une couleur et un sens, c'est donner une forme à l'informe, revenir au principe primordial, à la source que sont les sons sur lesquels se sont élaboré le langage articulé, le Verbe  ; c'est signifier le sacré dans celui-ci. Et de ce sacré, le poète en est le manifestant privilégié avec le chaman. Le chaman est quelque part poète et le poète est quelque part chaman.

Étudions maintenant le poème qui – fait capital – est un sonnet.

En poésie, on dit que le sonnet (qui vient de «  son  » et était à l'origine, l'  «  air de musique d'un chant  ») tire sa force de sa forme et qu'un bon sonnet doit dès le début annoncer la fin. Le déroulement suit une logique interne, les deux tercets suivant les deux quatrains sont comme une précipitation vers la fin.

Quel est le déroulement logique de Voyelles? Un ordre interverti qui ne doit rien au hasard. Il énonce la correspondance de 5 voyelles et ses couleurs dans le premier vers traçant une ligne droite de l'Alpha à l'Oméga. Il donne ensuite le sens donné à ces couleurs symbolisées par des voyelles, donc les sons du cosmos. Il dit le dernier vers comme une révélation d'importance cosmologique.. L'Oméga porte en effet la couleur violette de Ses Yeux, le violet, ultime couleur du spectre solaire, couleur intérieure de l'arc-en-ciel.

Quant à la pomme, elle est symboliquement utilisée en plusieurs sens apparemment distincts, mais qui, plus ou moins, se rejoignent : ce sont la pomme de Discorde attribuée par Pâris; les pommes d'or du Jardin des Hespérides, qui sont les fruits d'immortalité; la pomme consommée par Adam et Eve; la pomme du Cantique des Cantiques qui figure selon Origène, la fécondité du Verbe divin, sa saveur et son odeur. Il s'agit donc, en toutes circonstances, d'un moyen de connaissance, mais qui est tantôt le fruit de l'Arbre de Vie, tantôt celui de l'arbre de la Science du bien et du mal : connaissance unitive conférant l'immortalité, ou connaissance distinctive provoquant la chute. C'est un symbole haut en couleurs, haut en goût cosmique. C'est ce goût qui se trouve aussi dans Voyelles de Rimbaud. Si ce poème ne fait aucune mention de la pomme, ou référence à celle-ci, il doit contenir en lui quelque chose de l'ordre de la connaissance. Et on peut noter que chacune des branches de l'étoile pentagrammique au coeur de la pomme peut accueillir une des cinq voyelles citées par Rimbaud.  »

 

 



À l'issue de son travail, Paul était conscient qu'il avait suivi des pistes, fait des analyses qui lui semblaient judicieuses, il n'était pourtant pas satisfait; cela était brouillon et partait dans tout les sens et...

«  On sent, dans tout cela qu'il manque quelque chose...», se dit Paul, paraphrasant sans avoir en l'air Arthur Rimbaud dans les Étrennes des Orphelins ou Arthur Belpomme dans sa lettre.

Il manquait quelque chose, mais quoi? Les lumières de son ami, en sa qualité de commissaire connaisseur ou connaissant, lui manquaient.

Paul écrivait une partie "document", inspiré par les textes d'Arthur Belpomme sur Rimbaud lorsqu'il reçut un colis en remerciement de son partenariat durant huit jours. Ce colis contenait un tableau accompagné d'une lettre du commissaire.

Il lui disait:



«  Cher Paul,

Mon enthousiasme est si grand que je t'offre mon pastel d'Arthur Rimbaud. Tu pourras donc aussi, si tu le veux, le rendre public. Je te recommande seulement, Paul, monfilsspirituel, de respecter mon anonymat et de signer le tableau de ton propre nom...



Un vrai cadeau de gentilhomme! se dit Paul.

La lettre se poursuivait ainsi:

 

«  Tu peux remarquer, mon cher Paul, le beau teint de pomme de Rimbaud (Tu croyais que j'allais te sortir la chansonnette «  Pomme de reinette et pomme d'api... birthday to you?); mais ceci n'est qu'une manière de te rappeler une question. Bon, tu vas croire encore à un pur délire Belpomme... Pas si vite, mon coco! moi, je te propose un pur délice de pomme mais sur un plan autre que physique.

«  Rimbaud est dans une pomme t'ai-je dit. Tu en veux la démonstration? Je passe près de chez toi la semaine prochaine, je peux faire un petit détour...

«  Bien à toi

«  Arthur  »



C'est de la sorte que Paul et Arthur se retrouvèrent au domicile de Paul, devant le portrait d'Arthur Rimbaud qui trônait en bonne place dans le salon. Rapidement, après avoir manifesté bruyamment leur joie de se revoir, il abordèrent la question essentielle qui avait motivé leur neuvième rencontre, et fidèle à ses habitudes, le commissaire Belpomme soigna sa mise en scène. Il commença ainsi:

- Pour te permettre d'entrer en relation étroite avec le poème Voyelles, je mets sous tes yeux le manuscrit, l'autographe de Rimbaud en personne, tant la façon d'écrire est importante.

voyelles_manus



Tout d'abord remarque la graphie du «  E  » dans le manuscrit de d'Arthur. C'est un epsilon, la graphie grecque. Dans sa plus belle forme calligraphique qu'on peut trouver sur internet, on conviendra que, placée dans le sens d'une pomme sur les fesses, c'est à dire sur sa base – voilà, on la retourne comme ça fit le commissaire qui avait tout préparé et retournait l'impression d'un epsilon. À quoi ça vous fait penser  ?

  • À une pomme, tiens-donc.

  • À une pomme  ! Bien que ça fasse moins «  fesses  » en réalité que dans l'Epsilon. Il nous faudra pourtant un peu prolonger les traits vers le bas pour former la silhouette complète d'une pomme – ou d'un visage... – jusqu'à la base qui sera formée par... Voilà, je te propose un petit jeu, le jeu de Voyelles. Tu veux jouer  ?

  • Avec plaisir  !

  • Tu vas peut-être te fiche de ma pomme à la fin, mais ce n'est pas grave. Amusons-nous comme des enfants – c'est à dire avec leur sérieux dans le jeu. Oui, je convie ton âme d'enfant à s'associer à la mienne. Tu veux  ?

    • Ah que je veux  !... J'attends de voir Rimbaud dans une pomme – ou de Rimbaud la pomme... – depuis si longtemps  !

    • Bien. Pour cela, il suffit de papier, de crayons de couleurs ou de peinture, ou de pastels... En voici. Pour rester dans le ton du portrait que je t'ai offert et qu'il me fait plaisir de revoir... Bon.Voici le noir pour le A, le blanc pour le E, le rouge pour le I, le vert pour le U, et le bleu pour le O. Nous poserons d'abord le fondement. A noir  : les ténèbres. Et E blanc  : la lumière en jaillit. Aussi nous commencerons par poser le A. Puis à partir du A enrouler le E...

Le commissaire découpa dans un rouleau de kraft qu'il avait emporté un carré d'un mètre sur un mètre, le scotcha sur le mur et donna la panoplie de pastels dont il aurai besoin.

    • Le papier kraft est idéal puisqu'il permet de faire ressortir toutes les couleurs. Tu vas suivre au fur et à mesure mes directives. OK  ?

    • Okodac.

    • Tu veux jouer, je le sens. Un esprit joueur comme le tien! Prêt  ?

    • Prêt.

    • Concentre toi. A vos marques, prêt, T  ! «  A noir  ; E blanc  ; I rouge  ; O bleu  : voyelles. Je dirai quelque jour vos naissances latentes  » récita t-il avant de commander  : Traces quelque part vers le bas et au milieu un petit A noir d'environ dix centimètres de hauteur. Bien. «  A, noir corset velu des mouches éclatantes qui bombinent autour des puanteurs cruelles, golfes d'ombre  » Maintenant, choisis n'importe quel pied du A pour tracer un epsilon, le creux du sommet devant en principe se trouver dans l'axe de la pointe du A. Parfait. «  E, candeurs des vapeurs et des tentes, lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles.  » À présent, pose en rouge un I au creux de l'Epsilon, de la même auteur que le A. Bon. «  I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles Dans la colère ou les ivresses pénitentes  ». Pose à présent en vert le U sur le A, environ de la même hauteur. Voilà. «U, cycles, vibrements divins des mers virides, paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux  ». Enfin les deux O du dernier tercet. Observe bien, le O apparaît une première fois en majuscule et une seconde dans le dernier vers surmonté d'un accent, tel un sourcil.C'est ce qu'on appelle un «  terme d'appel vocatif  » comme dans  : «Ô mort mystérieuse, ô sœur de charité  »   concluant ses Soeurs de charité ou encore «  Ô que ma quille éclate, ô que j'aille à la mer  !  » du Bateau ivre, tous deux   écrits à la même époque. Libre à toi de les y mettre en guise de sourcils. Ou n'en mettre qu'un ou aucun. Sache aussi que ces deux O figureront les deux pépins au cœur de la pomme coupée de haut en bas. Donc, en face des deux bouts du U, à une distance égale de sa hauteur, fait avec le bleu les deux petits O que tu peux remplir. Tu obtiens des yeux. Et bleus... Les enfants ne disent-ils pas «  Yeux bleus, yeux d'amoureux  ».

    • Et yeux marrons, yeux de cochons  ! dit Paul qui s'exécuta et...

Voyant le résultat, il pouffa et fit  : «  Coucou, Rimbaud  ! T'as une bonne pomme! J'adore ta coupe de cheveux  ! Mais il est où le violet de tes yeux  ?  »

Imperturbable, le commissaire dit  :

    • Tu as l'Alpha et l'Oméga, et toi au milieu de tout ça, tu es un gros bêta. Regarde le I rouge qui te fait penser à un seul cheveu huppé au milieu du crâne et qui, entre parenthèse, n'est pas sans évoquer ce portrait de Rimbaud, vu de profil et chauve, intitulé  : «  La tronche à machin  » – dessin de son ami Delahaye en 1875 marquant le deuil d'Arthur qui vient de perdre sa chère sœur Vitalie venant de mourir, – l'abandon de la littérature semblant coïncider avec... Mais revenons à nos moutons! L'heure est à la jubilation  ! car ce qui tient lieu de queue ou pédoncule de la pomme – partie reliée, je te rappelle – peut être... doit être vu comme un rayon rouge, cosmique, divin, couleur de l'Amour qui a donné aussi la couleur du liquide vital dans nos veines depuis le cerveau jusqu'aux pieds.  Imagine que ce divin rayon descende jusqu'aux yeux. Arrivé au niveau de ceux-ci l'Amour fait une irradiation «  explosive  » dans les deux directions – est-ouest – les deux yeux. Et tu as...

    • Le violet  !

    • De tes Yeux  ! «  O, suprême Clairon plein des strideurs étranges, silences traversés des Mondes et des Anges;
      – O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !  » récita le commissaire en levant les bras au ciel.

    • Trop magique  !

    • Bon, modéra Arthur Belpomme, il aurait mieux valu que tu fasse des yeux bleus marine que bleu ciel pour obtenir le violet, et non un mauve, mais quoi qu'il en soit, il est un fait que la seule manière d'obtenir du violet, est de mélanger du ces deux couleurs primaires  : le bleu et le rouge. Dans des proportions alchimiques...

    • Je Vois Dieu  ! s'écria Paul avec émotion, ayant reculé pour mieux voir. Dieu est un enfant  ! Un cœur d'enfant  ! Dieu, c'est Rimbaud dans une pomme  ! La douce folie de Dieu  ! Et il a un sourire vert comme la Nature  ! C'est un miracle  ! Alleluiah  !

Et il chanta l'Alléluiah haendelien.

Le commissaire sourit et dit  :

    • Et tu te moquais  ! Et permets-moi d'ajouter de superposer à ton Alleliah un superbe «  Pom-pom-pom-pom  »  ! Oh Méga bon! C'est en effet selon «  ma pomme  », la Pomme de Rimbaud où tu vois «  Elle  ». Après, on peut effectivement chercher la petite bête et dire en y comparant l'intérieur d'une pomme que le U n'est pas à sa place, devrait faire plus le nez que la bouche, que si on place les O a l'exacte place des pépins on aurait un Rimbaud qui louche... mais à raisonner ainsi on peut tout aussi bien dire que ce visage ne ressemble à aucun portrait connu de Rimbaud  !

    • Oh  ! J'ai une idée. Je vais ajouter les sourcils, les chapeaux des deux O.

Il recula, approuva et  :

- Oh, j'ai une autre idée, s'écria t-il. Et il remplit la pomme de jaune, concluant  : «  Rimbaud, ce n'est pas n'importe qu'elle pomme, c'est une Golden  !  »

Pleinement satisfait, sortant de sa contemplation béate Paul déclara  :

- Je comprends pourquoi tu voulais tant que j'étudie ce poème.

- Eh oui! Et je vais maintenant t'offrir, après l'entrée, un plat de consistance avant de passer au dessert. Revenons à Voyelles, puisqu'on en sort.

«  Tu sais maintenant que A E I O U, sont les composants d'un même symbole cosmologique. Les voyelles sont musique des sphères, chant sacré de la Déesse, du Cosmos, de l'Alpha à l'Oméga:

«  Le poème symbolise la création, de l'alpha (A) à l'oméga (O), suivant la citation biblique bien connue...

«  Et, comme tu l'as Vu, Ses Yeux, tout en majuscules, bien plus qu'à un hypothétique être aimé, ne pourraient-ils pas faire allusion à quelque chose de plus grand, une intelligence supérieure, organisateur du cosmos qu'on peut nommer selon le plus grand diminutif commun Dieu?

«  Rimbaud est dans une pomme. Rimbaud est dans la Pomme – comme l'étoile à cinq branches au bout desquelles tu pourrais placer les cinq voyelles fondamentales, autant que les cinq couleurs primaires.

«  Et que de chemin à faire dans la quête de la Pomme, pour une «  enquête aux pommes  »!

«  Pardon pour la répétition de ce mot bien cher à mon coeur. C'est qu'en effet, symbole de la Connaissance, la pomme cesse d'être fruit pour être pure lumière. La Pomme matérialise le changement de niveau de réalité, ou le changement de perception de la réalité.

«  La pomme comme le pommier est dans l'Autre Monde, invisible, mais réelle. C'est une connaissance pouvant donner l'immortalité ou provoquer la chute suivant que l'on ait une perception duelle ou unitive.

«  Mais la pomme en tant que Connaissance peut représenter un pépin dans tous les sens: pépin ennui, accident, désagrément et pire encore, ou un pépin parapluie et fructifiant.

«  N'est-ce pas ce qu'a vu Rimbaud derrière le voile?

«  Rimbaud avait non seulement dit qu'il voulait être Voyant, mais aussi «  Voleur de feu  », c'est-à-dire dérober le feu sacré pour le transmettre à l'humanité. C'est-à-dire aussi détenir les secrets de la matière, de sa création-transformation, travail de forgeron, et symboliquement de l'alchimiste en tant que connaissance du Feu intérieur donnant le véritable pouvoir qui est véritablement au dessus de la Connaissance, en l'Amour.

«  Or, Rimbaud, «  fils du soleil  », forgeron du Verbe et de la Connaissance, est parti achever son initiation en Éthiopie, terre d'un dénommé Aethiops, fils de Vulcain.... le dieu boiteux, tout comme Jacob, comme Rimbaud à la fin de sa vie. Fin de vie qui me fait penser qu'il est lui aussi devenu Voyant.

«  Te souviens-tu du témoignage d'Isabelle au chevet de Rimbaud mourant? La soeur dit: «  il répète en chaque instant: "Allah Kerim, Allah Kerim!" (La volonté de Dieu, c'est la volonté de Dieu, qu'elle soit!)  » Eh bien, Al-Kârim est un des noms de Dieu, et c'est aussi en alchimie arabe le nom de la Pierre Philosophale. Nom suprême, Pierre Philosophale, qu'on appelle aussi Le Graal ou le «  Pot en Ciel  ». Ce n'est pas un objet, c'est la clé de la Vision...  une vision 3D »

Soudain, par une manière théâtrale bien à lui, Arthur Belpomme présenta une petite pomme en ambre à Paul:

- Et voici la pomme d'or! Fruit de l'arbre solaire, elle est associée à la fin des travaux alchimiques. Elle promet à l'adepte la santé parfaite, la connaissance paradisiaque (comme fruit de l'arbre de la Connaissance) et le pouvoir sur toute la terre – mais c'est un pouvoir qui se manifeste et agit d'abord à l'intérieur de soi, sur sa propre terre, le royaume dont nous sommes le roi dans les contes, le royaume des Cieux dans la Bible, qui rend caduque toute soif de pouvoir sur l'extérieur. Et voilà, je te l'offre en signe du lien spirituel qui nous unit.

  • Merci, j'en suis honoré. C'est en effet très solaire, ce doré, cette chaleur qui en émane!

  • Cette résine était nommée «  pierre du soleil  », ajouta Arthur. Les initiés l'utilisaient secrètement pour s'orienter, même dans les brumes du Nord! Rimbaud était «  fils du Soleil  », et ce qui le rendait le plus triste à l'idée de mourir, témoigna sa soeur, c'était justement de ne plus voir le soleil. «  Jamais plus je ne verrai le soleil dehors, j'irai sous la terre et toi tu marcheras; dans le soleil!» dit-il en pleurant à sa soeur Isabelle. Me voilà encore en train de citer pépé! C'est une maladie.

  • Une bonne! commissaire...

  • Bref! reprit-il après un sourire en coin et avec son enthousiasme familier à Paul et au lecteur, si l'on fait le lien entre la Pomme (Connaissance), la pomme d'ambre (soleil) et les voyelles dans ce qu'elles ont de plus sacré, si l'on prend le Soleil comme la source d'Énergie, l'énergie divine, symbole de don ou d'amour inconditionnel, alors oui, le soleil est la clé, la source de la Connaissance, de L'Amour, de la Lumière.

  • Et cette clé trouvée, ne pourrait-elle expliquer l'abandon de la poésie par Rimbaud?

«  La charité est cette clef  », dit-il, c'est à dire en termes moins religieusement connotés l'Amour. Oui bien sûr, cette question que je t'ai posé dans ma lettre, tu ne l'as pas oubliée et elle mérite réponse. Je pense que Rimbaud abandonna la poésie comme moyen et non pas en esprit. Ayant trouvé le moyen d'accéder à la dimension cosmique par ses poèmes, Arthur Rimbaud devait aller voir ailleurs pour continuer sa quête... Il ne pouvait rester dans le milieu des poètes qui ne pouvait le comprendre! N'oublions pas que c'est à partir du XIX° siècle avec Goethe et Rimbaud, que l'alchimie est devenue symbole de sagesse et de connaissance secrète. Et toi, le digne héritier spirituel de Rimbaud, qui as résolu le mystère des trois voyants fantômes, je suis sûr que tu comprendras le mystère des trois V de la nature du Voyant. Tu sauras quelle Voix il entend et ce qu'il Voit en avançant sur la Voie. Allez, mon fils, je te salue bien paternellement, spirituellement et cosmiquement.  »

L'heure de la séparation avait sonnée. Une accolade chaleureuse scella leur reconnaissance mutuelle.

Après le départ de son ami, Paul sortit dehors. Il faisait nuit, une nuit d'août jonchée d'étoiles. Il courut, heureux, ivre de joie, et vers la voûte constellée «  où des pleurs d'or astral tombait des bleus degrés  », comme le disait Arthur Rimbaud, il poussa un immense «  AEIUOoooo!  » en direction de la Pomme-Univers qu'incarnait bien Apple – symbole de la Connexion, de la Reliance, de l'accès à la Connaissance universelle – via internet, – à utiliser avec Conscience, et en tenant la main de Prudence. ... «  Ah  ! S'exclama Paul, que notre époque serait palpitante pour ce petit Prince... des poètes  !  Elle l'est de quelque façon. Rimbaud. Arthur. Happy Apple to You  !  »

Paul se dit que c'est ainsi que finirait son livre. Roman d'une aventure spirituelle d'un rayon infini et...Oh! Méga bonne! Qu'il signerait même d'un pseudonyme.

Et alors, croyez-moi , tandis qu'il contemplait la voûte céleste, il a vu une étoile dorée, géante, se former, et des pépins filants et ambrés traversèrent le ciel. L'un d'eux tomba sur sa tête – (symboliquement, bien entendu) –et il se souvint de ce que lui avait dit Arthur Belpomme : «  L'Amour est un don des étoiles, il suffit de lever les yeux pour le voir et l'accueillir dans l'écrin de ton âme, par un merci silencieusement cosmique, ou cosmiquement silencieux.  »

 

 

 

 

 

 

 

 

«  CERISE  » SUR LE «  GÂTEAU  »

(appendice du roman)

 

 

 

 

«  Bonjour, vous me reconnaissez peut-être.

«  Je voulais vous faire une surprise finale. En cadeau pour avoir croqué ce petit roman rigolo comme une pomme, et aussi au cas où vous auriez essayé de me dessiner à partir des indications du commissaire Belpomme, sans trouver la «  réponse  ». Enfin pour, cerise sur la cerise sur la cerise sur la pomme, vous révéler que ce 'est pas étonnant que ma forme est celle d'un globe et qu'on y trouve les voyelles, puisque celles-ci sont un symbole de globalité et sont une référence au divin. Le saviez-vous  ? Les voyelles sont le symbole de la Grande Déesse. «  Ses Yeux  », ça vous dit quelque chose  ? D'autre part, Le nom de Dieu chez les hébreux  : Ye Ho Va (Jéhovah) devient prononçable par la récupération des voyelles de la Grande Déesse. Autrement dit, le nom de Dieu – imprononçable sinon  et s'écrivant YHWH – est basé sur les voyelles n'apparaissant pas dans l'alphabet hébraïque et qui viennent de la Grande Déesse.  Notons entre parenthèses que chez les chrétiens, elle porte le nom «  Marie  » (la Terre ou Mère) et il n'est pas inintéressant de constater qu'elle ferait un pendant au tétragramme masculin  YHWH (Ciel, Père, Esprit, Soleil, Lumière solaire, masculine): MRAM, Miriam – d'où vient «  Marie  » (Terre, Mère, Matrice, Ténèbres, Lumière lunaire – miroir du féminin – enfantée pour engendrer le Fils en l'Homme, c'est à dire le Verbe, par l'union du masculin et du féminin en soi, du plein et du vide). Le «  a  » du tétragramme s'explique du fait que «  Miriam  », avec deux «  i  », s'écrirait avec un «  â  » aleph dit «  consonne  », un «  a  » étouffé («  mr(a)m  »).*

* Voir La Grande Déesse, mythe et sanctuaires de Jean Markale

Cela vous semble hermétique, cabalistique, emberlificoté  ?

Laissons de côté YHWH et MRAM, et penchons-nous sur la Grande déesse des celtes.

Connaissez-vous Ultréïa  ? C'est le cri de joie et de ralliement des pèlerins de Compostelle. Il se prononce Oultreia, est composé de toutes les voyelles et date du Moyen Age. Mais son origine est sans doute plus lointaine. Il aurait un rapport avec la Grande déesse blanche des celtes relié au symbole de la loutre (d'où proviendrait Oultreia).

Les voyelles seraient une consécration de la Grande Déesse inscrite dans le temps (calendrier).

Il faut savoir que dans l'Ogham – écriture celte qu'utilisaient les druides irlandais – chaque lettre de l'alphabet avait un arbre correspondant, et on peut on peut aussi faire correspondre une période précise de l'année. Dans cet alphabet, nos cinq voyelles correspondaient à un arbre. Ainsi, pour les voyelles on trouve  ces correspondances:
A = Epicéa = 1°jour de l'an, solstice d'hiver.
O = Ajonc = équinoxe de printemps.
U = Bruyère = solstice d'été.
E = Peuplier = équinoxe d'automne.
I = If = dernier jour de l'an, veille du solstice d'hiver.

Ces dates principales marquant les quatre saisons plus le dernier jour de l'an pour recommencer un autre cycle annuel, il se peut fort bien qu'elles aient été dédiées à la Grande Déesse et marquée par une fête qu'on célèbre aujourd'hui sous forme christianisée. Et alors on peut imaginer que le jour du solstice d'hiver, par exemple, on poussait sous la direction d'un druide des A autour d'un épicéa. Cela sous les étoiles puisque le déroulement des saisons était repéré selon la configuration des constellations. Et comme le nom de la Loutre, la grande déesse celte et l'alphabet sont reliés par le Temps, le «Ultréïa      » serait la synthèse de tout ce qui vient d'être expliqué.

Compliqué, hein  ? Bon, pour faire plus simple, et plus amusant, «  oiseau  » est constitué de toutes les voyelles  et il chante toutes la Nature, la Grande déesse marquée par cinq temps, cinq dates (ce qui fait penser à l'étoile de la pomme...) et synthétise le divin Cosmos par l'Alpha et l'Oméga  : O-A-O. Un corps et deux ailes, et voilà l'oiseau qui s'envole vers le ciel étoilé, et on fait  : «O(u)A(h)  !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Rimbaud passion
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